Mexique: elle dénonçait les cartels sur Twitter, ils tweetent son meurtre

Une capture d'écran du compte Twitter de "Felina", peu de temps avant sa mort. - BFMTV.com - Twitter
La photo est difficilement regardable. Elle remplaçait celle du profil de @Miut3 jusqu'à ce que Twitter supprime ce compte. On y voyait le corps ensanglanté de cette internaute, mexicaine, connue pour tweeter de manière prolifique contre les cartels ultra-violents de Tamaulipas, un état mexicain au nord du pays.
Après l'avoir exécutée jeudi dernier, ses assassins ont utilisé son profil pour remplacer sa photo et poster plusieurs messages d'avertissement, révélant notamment son identité. "Fermez votre compte, ne risquez pas la vie de vos proches comme je l'ai fait. Je leur demande pardon", pouvait-on lire en espagnol.
Kidnappée pour une autre histoire
La victime est une jeune femme médecin, Maria del Rosario Fuentes Rubio. Elle a été kidnappée à la sortie de son travail mercredi dernier, dans une clinique située à Reynosa, à la frontière avec les Etats-Unis. Un rapt possiblement lié à la mort d'un garçon de 4 ans, qu'elle avait tenté de soigner plus tôt dans la matinée, avant de le faire transférer vers un autre hôpital mieux équipé. L'enfant est mort en chemin.
C'est en fouillant dans son téléphone portable que les kidnappeurs armés auraient découvert de manière fortuite son identité sur Twitter. "Felina", une internaute connue pour participer activement à l'un des nombreux groupes de dénonciation anonyme des cartels, via son compte suivi par plus de 9.000 personnes. Ils auraient alors décider de la tuer et de montrer sa mort pour tenter de faire taire les voix comme la sienne.
"Les narcos contrôlent tout dans certaines zones"
Ricardo G. travaille pour Article19, une ONG défendant la liberté de la presse, et est originaire de la région de Tamaulipas, qu'il connaît très bien. Contacté par BFMTV.com, il décrit une situation proprement terrifiante. "Les réseaux sociaux sont devenus le seul endroit où l'on peut échanger des informations. Les narcos contrôlent tous les médias dans certaines zones, et s'octroient même un droit de regard sur les news "light" comme les divertissements. Quand une fusillade a lieu en pleine rue à Nuevo Laredo (ville frontalière à Tamaulipas, ndlr), devant de nombreux témoins, il est courant que les médias locaux ne fassent pas une seule ligne dessus le lendemain."
Depuis 2000, selon les chiffres récoltés par l'ONG, 81 personnes ont été tuées à cause de leur travail journalistique (sur des blogs ou à travers des médias), 51 entreprises de presse ont subi des attaques, et 17 journalistes sont portés disparus.
Résultat, sur Twitter, les habitants s'organisent. "Ils utilisent des hashtags avec le nom de leur ville suivi du mot Follow, comme #Reynosafollow ou #Laredofollow, et signalent en temps réel la présence de narcos par exemple", explique Ricardo. Une initiative citoyenne salutaire, mais qui a coûté la vie à cette jeune médecin mercredi dernier.