Les techniciens de Fukushima poursuivent leur bataille

Vue du réacteur numéro 4 de la centrale de Fukushima-Daiichi endommagée par le tsunami du 11 mars au Japon. Les techniciens du site poursuivent leur bataille pour empêcher une aggravation de la situation dans la centrale nucléaire, dont deux réacteurs sem - -
par Mayumi Negishi et Kazunori Takada
TOKYO (Reuters) - Malgré l'accident survenu à deux d'entre eux, les techniciens du site de Fukushima poursuivent leur bataille pour empêcher une aggravation de la situation dans la centrale nucléaire endommagée, dont deux réacteurs semblaient stabilisés vendredi.
En l'absence de réponses claires sur les effets des rayonnements, l'inquiétude continue de grandir au fur et à mesure des annonces de nouveaux cas de contamination.
Environ 700 techniciens travaillent 24 heures sur 24 depuis deux semaines pour prévenir une surchauffe des six réacteurs de Fukushima-Daiichi lourdement endommagés par le séisme et le tsunami du 11 mars, dont le dernier bilan dépasse désormais les 10.000 morts, auxquels s'ajoutent 17.000 disparus.
Mais ils ont dû évacuer certaines parties du site, à 240 km au nord de Tokyo, quand trois des leurs ont été irradiés jeudi dont deux ont été hospitalisés pour des brûlures, de l'eau radioactive ayant pénétré à l'intérieur de leurs bottes.
"Nous devons essayer de réduire les retards autant que possible, mais nous devons aussi nous assurer que les gens qui travaillent sur le site sont en sûreté", a déclaré un responsable de l'agence de sûreté nucléaire japonaise.
Les techniciens sont parvenus récemment à connecter les six réacteurs au réseau électrique et ont pu remettre en marche l'une des pompes qui assurent leur refroidissement.
Deux des réacteurs sont désormais considérés comme à l'abri d'un incident, dans une situation dite d'"arrêt à froid". Les quatre autres restent fragiles et émettent périodiquement de la vapeur et de la fumée.
"C'est beaucoup plus encourageant", a estimé Tony Roulstone, expert en énergie nucléaire à l'université de Cambridge, au vu des dernières informations.
L'armée américaine va aider à refroidir les réacteurs grâce à deux vedettes capables de fournir 2 millions de litres d'eau, a précisé le ministre de la Défense japonais Toshimi Kitazawa.
100 MILLISIEVERTS PAR HEURE
Les trois techniciens irradiés ont reçu une dose de 170 à 180 millisieverts, a précisé l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
La dose moyenne encaissée par un employé de centrale nucléaire est de 50 millisieverts en cinq ans. L'opérateur de la centrale, Tokyo Electric Power (Tepco), a relevé cette limite à 100 millisieverts par heure pour les travaux d'urgence.
Tepco a expliqué que les employés étaient équipés de compteurs Geiger mais qu'ils avaient ignoré une alarme qui a sonné.
Le niveau de radiation accumulé en 24 heures à 30 km au nord-ouest de la centrale dépasse le seuil annuel des doses de radioactivité naturelle.
Le gouvernement n'a pas modifié ses consignes concernant le no man's land autour du site, dont le rayon reste fixé à 20 km. Il a cependant incité vendredi les habitants situés entre 20 et 30 km de la centrale, qui devaient jusqu'ici rester calfeutrés chez eux, à partir également, non pas en raison d'un risque sanitaire mais parce que leur vie quotidienne est perturbée.
Des spécialistes assurent que les rayonnements qui s'échappent de la centrale sont encore largement inférieurs à ceux d'un vol par avion ou d'une radio chez le dentiste.
Singapour, l'Australie, les Etats-Unis et Hong Kong n'en ont pas moins gelé les importations du lait et des produits frais en provenance de la région de Fukushima.
L'AIDE AFFLUE
Pékin a annoncé que deux voyageurs japonais arrivés mercredi par avion à Wuxi, dans l'est de la Chine, présentaient un niveau de radiation anormal, mais qu'ils avaient reçu un traitement médical et ne présentaient pas de risque pour les autres.
Des experts ont également décelé des concentrations "mesurables" d'iode-131 et de césium-137, deux éléments radioactifs, dans des échantillons d'eau de mer prélevés à 30 km des côtes de l'archipel nippon, a annoncé l'AIEA.
Le niveau d'iode radioactif dans l'eau du robinet à Tokyo est redescendu sous le seuil de sûreté fixé pour les jeunes enfants, mais les habitants de la capitale continuent à se ruer dans les magasins sur les bouteilles d'eau minérale.
Dans le Nord dévasté par le séisme de magnitude 9 et le tsunami de dix mètres de haut, un quart de million d'habitants vivent toujours dans des centres d'accueil.
Le dernier bilan fourni par la police s'élève à 9.811 morts et 17.541 disparus. L'agence Kyodo dit que le seuil des 10.000 morts a été franchi.
Malgré les souffrances, le sentiment que la page la plus noire est désormais tournée s'impose peu à peu.
Après le dénuement des premiers jours, l'aide afflue désormais en quantité. L'eau, l'électricité et le téléphone ont été rétablis.
Les dégâts ont été évalués à 310 milliards de dollars, ce qui fait du séisme du 11 mars la catastrophe la plus coûteuse de l'histoire, loin devant le tremblement de terre de Kobé, en 1995, et l'ouragan Katrina, qui a dévasté La Nouvelle-Orléans en 2005.
Jean-Stéphane Brosse pour le service français