Le pape épinglé pour avoir dénoncé le laïcisme agressif espagnol

Benoît XVI, qui a consacré comme basilique dimanche à Barcelone la Sagrada Familia de l'architecte catalan Antoni Gaudi, a profité de sa brève visite en Espagne pour dénoncer le "laïcisme agressif" des autorités de Madrid, condamnant le droit à l'avorteme - -
par Nigel Davies
BARCELONE, Espagne (Reuters) - Benoît XVI, qui a consacré comme basilique dimanche à Barcelone la célébrissime Sagrada Familia du défunt architecte catalan Antoni Gaudi, a profité de sa brève visite en Espagne pour dénoncer le "laïcisme agressif" des autorités de Madrid.
Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a légalisé cette année l'avortement à la demande à partir de 16 ans sans permission parentale et jusqu'à la 14e semaine de grossesse, après avoir autorisé en 2005 le mariage et le droit d'adoption des couples homosexuels.
Des centaines d'homosexuels ont protesté contre le rigorisme doctrinal du Vatican en s'embrassant sur la bouche au passage du cortège pontifical qui se rendait à la cathédrale inachevée de Gaudi, dont les travaux ont débuté il y a 128 ans.
On ne sait pas si les protestataires, noyés parmi des milliers de fidèles venus simplement acclamer le souverain pontife, ont réussi à attirer l'attention de celui-ci, à bord de sa "papamobile" blindée.
"Nous sommes ici pour protester pacifiquement. L'Eglise nous opprime et ne nous respecte pas. Nous ne pouvons tolérer ce type de pape au XXIe siècle", a expliqué Eduardo Prado, un homme de 39 ans qui a participé à l'"embrassade géante" organisée via internet.
"L'Eglise résiste à toute forme de déni de la vie humaine et accorde son soutien à tout ce qui promeut l'ordre naturel dans le domaine de l'institution familiale", a déclaré le pape lors de la messe de consécration de la Sagrada Familia (Sainte Famille), qu'il a qualifiée d'"espace de beauté, de foi et d'espoir".
"L'amour indissoluble d'un homme et d'une femme forme le contexte véritable de la vie humaine, dans sa gestation, sa naissance, sa croissance et sa fin naturelle", a souligné Benoît XVI, faisant clairement allusion au mariage homosexuel.
"ANTICLÉRICALISME"?
Jusqu'à la venue du pape, la Sagrada Familia, oeuvre d'une ambition démesurée dont l'achèvement selon les plans de Gaudi prendra encore des années, n'avait jamais accueilli de messe. Désormais les offices seront quotidiens et, à terme, jusqu'à 10.000 fidèles pourront y assister.
Jordi Bonet Armengol, architecte en chef de la cathédrale et septième successeur de Gaudi, mort en 1926, espère que la venue du pape donnera le coup de fouet nécessaire à l'achèvement de l'édifice, dont le financement a été assuré jusqu'à présent par des dons et les billets d'entrée.
Beaucoup reste à faire, à commencer par l'érection d'une flèche centrale de 170 mètres, mais Bonet assure que cela ne prendra pas un autre siècle à parachever, si les visiteurs - quelque 10.000 par an - continuent à se montrer généreux.
Une fois achevée, l'oeuvre complexe conçue par Antonio Gaudi arborera 18 flèches, dédiées respectivement à Jésus, à la Vierge Marie, aux 12 apôtres et aux quatre évangélistes.
Aux yeux de Mgr Lluis Martinez Sistach, archevêque de Barcelone, ce sanctuaire "est unique au monde". "C'est le travail d'un génie, qui était aussi un chrétien exemplaire"."
Benoît XVI, dont c'est la seconde visite en Espagne, pays à 76% catholique, s'est attiré les critiques des commentateurs de gauche pour avoir dénoncé le "laïcisme agressif" du pays, à bord de l'avion qui l'amenait samedi à Saint-Jacques-de-Compostelle, sa première étape.
Les autorités espagnoles n'ont pas réagi au parallèle qu'il a dressé avec le mouvement anticlérical des années 1930 mais certains commentateurs y ont vu un soutien implicite au franquisme qui a fait barrage au mouvement républicain espagnol.
"L'Etat dépense chaque année six milliards d'euros pour financer des activités catholiques - écoles, cours de religion, reconstructions d'églises, salaires des évêques. Est-ce du laïcisme agressif ou une menace anticléricale?", s'interroge l'éditorialiste Juan G. Bedoya dans l'édition dominicale du journal El Pais.
Marc Delteil, pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief