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L'opposition kirghize dit contrôler presque tout le pays

Lors des heurts entre manifestants anti-gouvernement et policiers anti-émeutes mercredi à Bichkek. La dirigeante de l'opposition kirghize, Roza Otounbaïeva, annonce que son gouvernement autoproclamé contrôle presque la totalité du pays après que le présid

Lors des heurts entre manifestants anti-gouvernement et policiers anti-émeutes mercredi à Bichkek. La dirigeante de l'opposition kirghize, Roza Otounbaïeva, annonce que son gouvernement autoproclamé contrôle presque la totalité du pays après que le présid - -

BICHKEK - La dirigeante de l'opposition kirghize, Roza Otounbaïeva, annonce que son gouvernement autoproclamé contrôle presque la totalité du pays...

par Maria Golovnina et Dmitri Soloviov

BICHKEK (Reuters) - La dirigeante de l'opposition kirghize Roza Otounbaïeva a déclaré jeudi que son gouvernement intérimaire, reconnu par la Russie, contrôlait la situation dans le pays après la fuite du président Kourmanbek Bakiev.

Elle a annoncé la dissolution du parlement et indiqué que le chef de l'Etat, dont elle a demandé la démission, se trouvait à Jalalabad, sa région d'origine, pour rassembler ses partisans.

"Toutes les régions sont sous notre contrôle mais nous avons encore à faire à Och et à Jalalabad", a-t-elle dit dans l'enceinte du parlement.

"Le peuple du Kirghizistan veut bâtir la démocratie. Ce que nous avons accompli hier était notre réponse à la répression et à la tyrannie du régime de Bakiev contre le peuple", a déclaré Roza Otounbaïeva, qui avait contribué à l'arrivée au pouvoir de Bakiev, il y a cinq ans, lors de la "révolution des tulipes".

Elle a occupé brièvement le poste de ministre des Affaires étrangères avant de tomber en disgrâce auprès du chef de l'Etat.

"Vous pouvez appeler ça une révolution. Vous pouvez qualifier ça de révolte du peuple. C'est notre manière d'affirmer que nous voulons la justice et la démocratie", a-t-elle ajouté.

Le ministre de la Défense par intérim a quant à lui indiqué que l'armée et les gardes-frontières s'étaient ralliés au nouveau gouvernement. "La force militaire ne sera plus utilisée pour régler des problèmes domestiques", a dit Ichmail Issakov.

NOUVELLES FUSILLADES À BICHKEK

Les violents affrontements qui ont opposé manifestants et forces de l'ordre mercredi à Bichkek, ont fait 75 morts et un millier de blessés, selon un dernier bilan du ministère de la Santé.

Des nuages de fumée continuaient à s'élever jeudi au-dessus de la Maison blanche, siège du gouvernement, dont la mise à sac se poursuivait. Des pillages à grande échelle ont eu lieu dans toute la capitale et le nouveau ministre de l'Intérieur a autorisé les forces de l'ordre à ouvrir le feu sur les pillards. Une fusillade a éclaté en fin de journée dans Bichkek entre policiers et éléments incontrôlés.

A Och, dans le Sud, plusieurs centaines de partisans de Bakiev ont par ailleurs affronté des militants de l'opposition qui se sont emparés du siège des autorités locales.

La nouvelle dirigeante a reçu jeudi un soutien de poids en la personne de Vladimir Poutine, qui l'a reconnue "comme le chef du nouveau gouvernement" kirghize, a précisé à Moscou un porte-parole du Premier ministre russe. Poutine avait auparavant nié toute implication de Moscou dans les événements de Bichkek.

Roza Otounbaïeva a souhaité préserver l'accord concernant la base aérienne américaine de Manas, point d'appui logistique des troupes engagées dans le conflit afghan, mais un membre de son équipe a jugé sa fermeture très probable avant le terme du bail.

Omourbek Tekebaïev, ancien chef de file de l'opposition désormais chargé des questions constitutionnelles, a en outre assuré à Reuters que Moscou avait contribué à l'éviction de Bakiev.

"LA JOIE DES RUSSES"

"Vous avez constaté la joie des Russes quand ils ont vu Bakiev parti. Il est maintenant hautement probable que la présence américaine sur la base soit écourtée", a-t-il déclaré.

Le président kirghize avait annoncé sa fermeture l'an dernier, lors d'une visite à Moscou, avant de revenir sur sa décision en échange d'une réévaluation de l'indemnité versée par Washington.

Intervenant à Prague, où le président Dmitri Medvedev a signé jeudi avec Barack Obama l'accord de désarmement nucléaire Start II, un haut fonctionnaire russe a estimé que Bakiev n'avait pas tenu sa promesse et que Moscou allait demander au nouveau gouvernement de fermer la base de Manas.

"Au Kirghizistan, il ne doit y avoir qu'une base, une base russe", a-t-il déclaré à la presse.

Un porte-parole de l'Otan en Afghanistan a indiqué que les vols en provenance de la base étaient interrompus, mais a jugé cette interruption sans conséquences.

Obama et Medevev, qui envisageaient une déclaration commune sur les événements au Kirghizistan, ne sont pas parvenus à s'entendre sur les termes.

Roza Otounbaïeva a précisé qu'elle souhaitait maintenant négocier la démission de Bakiev, qu'elle a contribué à porter au pouvoir il y a cinq ans, lors de la "révolution des tulipes".

L'intéressé, retranché dans son fief de Jalalabad, lui a adressé une fin de non recevoir, tout en reconnaissant que les forces de l'ordre étaient désormais sous le contrôle de l'opposition.

"Je suis le chef de l'Etat élu et je ne reconnais aucune défaite", a-t-il souligné, interrogé par téléphone sur l'antenne de la radio Echo de Moscou. Sans désigner nommément la Russie, Bakiev a en outre évoqué une implication étrangère dans ce qu'il qualifie de coup d'Etat. "Une opération comme celle-là est pratiquement impossible sans un soutien extérieur.

Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a lancé un appel au rétablissement de l'ordre constitutionnel et a annoncé l'envoi en urgence d'un émissaire spécial, attendu vendredi au Kirghizistan.

Catherine Ashton, haute représentante de la diplomatie européenne, s'est contentée de constater que le Kirghizistan était "entré dans une nouvelle phase" et les Etats-Unis n'ont pas pris position.

"Nous continuons à évaluer la ce qui se passe sur le terrain, il est donc difficile de prendre une décision sur ceux qui sont au pouvoir", a déclaré un membre du gouvernement ayant requis l'anonymat.

Pierre Sérisier et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Eric Faye