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L'armée a un rôle à jouer en Birmanie, estime Aung San Suu Kyi

Dans un entretien accordé à Reuters, Aung San Suu Kyi se dit disposée à travailler avec la junte militaire birmane qui l'a privée de sa liberté pendant 15 ans avant de la libérer il y a une semaine. /Photo prise le 19 novembre 2010/REUTERS/Soe Zeya Tun

Dans un entretien accordé à Reuters, Aung San Suu Kyi se dit disposée à travailler avec la junte militaire birmane qui l'a privée de sa liberté pendant 15 ans avant de la libérer il y a une semaine. /Photo prise le 19 novembre 2010/REUTERS/Soe Zeya Tun - -

par Jason Szep, BANGKOK (Reuters) - Dans un entretien accordé à Reuters, Aung San Suu Kyi se dit disposée à travailler avec la junte militaire...

par Jason Szep,

BANGKOK (Reuters) - Dans un entretien accordé à Reuters, Aung San Suu Kyi se dit disposée à travailler avec la junte militaire birmane qui l'a privée de sa liberté pendant 15 ans avant de la libérer il y a une semaine.

Par ces propos, la lauréate du prix Nobel de la paix 1991, âgée de 65 ans, signe sa volonté et son intention d'inciter la junte à s'engager dans la voie démocratique.

"Nous n'écartons pas le fait de coopérer avec l'armée", dit-elle au téléphone. "Mais nous devons en parler, voir comment nous pouvons obtenir une transition en douceur et en combien d'étapes. Nous ne disons pas que nous voulons plus d'armée maintenant."

Confirmant sa volonté de revenir à la politique, l'icône de l'opposition birmane se présente comme un responsable politique avant tout.

"Je suis une femme politique", a-t-elle dit. "Les gens ont choisi de m'appeler de multiples façons. Je travaille en politique, donc je suis un responsable politique."

De sa villa de Rangoun où elle a été assignée jusqu'à récemment à résidence pendant sept ans, elle se dit "trop occupée" pour s'inquiéter de sa sécurité et prévoit de voyager de nouveau dans les campagnes pour rencontrer ses partisans.

Un tel déplacement serait le premier depuis mai 2003 quand son véhicule était tombé dans un guet-apens tendu par des voyous à la solde du régime militaire à Depayin. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, 70 membres de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), avaient été tués dans cette attaque.

Assignée à résidence, la fille du général Aung San, héros de l'indépendance birmane, a passé 15 ans des 21 dernières années privée de liberté.

"COPINAGE RAMPANT"

Libérée la semaine dernière, elle plaide en faveur d'un rôle de l'armée "honorable" après près d'un demi-siècle de régime militaire mais estime qu'elle ne sera pas capable, seule, de ramener les généraux à la table des négociations.

Elle dénonce par ailleurs "le copinage rampant" en Birmanie, véritable fléau dans un pays qui était il y a 50 ans l'un des plus riches d'Asie du Sud-Est et dont les 50 millions d'habitants vivent aujourd'hui dans la misère quand la junte dépense sans compter.

"Le copinage renaît. Le copinage entraîne davantage de copinage", a-t-elle estimé.

Elle n'est toutefois pas allée jusqu'à rejeter la nouvelle stratégie politique ébauchée par la junte après les élections législatives du 7 novembre, les premières en 20 ans, considérées comme un simulacre de processus démocratique par les capitales occidentales.

Le résultat des précédentes élections, remportées par la LND en 1990, n'avait pas été reconnu par la junte.

"Nous ne parlons pas de soutien ou de rejet", indique-t-elle, tout en se disant prête à appuyer le projet "s'il va dans la bonne direction, celle souhaitée par le peuple".

La commission de la LND chargée de faire la lumière sur les fraudes électorales devrait rendre son rapport dans "quelques semaines".

L'opposante a, par ailleurs, appelé à la tenue de négociations pour éviter un affrontement entre l'armée et les groupes séparatistes ethniques qui ont refusé de déposer les armes et de participer au processus politique.

Elle s'est dite prête à jouer le rôle de médiatrice dans ces discussions tout en estimant qu'il y avait peu de chance que la junte accepte.

"Les Birmans veulent le changement. Ils ne pensent pas que les choses peuvent continuer comme ça", a-t-elle conclu.

Marine Pennetier pour le service français