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Journée cruciale en Algérie: Bouteflika va-t-il écouter la colère de la rue?

Un policier algérien maîtrise un manifestant lors du sit-in organisé par des journalistes à Alger, le 28 février 2019

Un policier algérien maîtrise un manifestant lors du sit-in organisé par des journalistes à Alger, le 28 février 2019 - AFP - Ryad Kramdi

Une fois les dossiers des candidats déposés, le Conseil constitutionnel statuera dans les dix jours sur leur validité.

Plus d'une semaine après le début des manifestations en Algérie, plusieurs dizaines de milliers de personnes manifestent quotidiennement contre une possible nouvelle candidature d'Abdelaziz Bouteflika, le pays entre ce dimanche dans une journée cruciale pour la présidentielle d'avril avec le dépôt attendu de ladite candidature de celui qui est au pouvoir depuis 1999. 

Ce samedi, le président Bouteflika a limogé son directeur de campagne Abdelmalek Sellal, au lendemain de manifestations massives réclamant qu'il renonce à se présenter aux élections du 18 avril, un mouvement de contestation sans précédent en vingt ans de pouvoir.

Ce dernier, un ancien Premier ministre qui avait animé les trois précédentes campagnes victorieuses (2004, 2009, 2014) du candidat Bouteflika, a été remplacé par le ministre des Transports, Abdelghani Zaalane, a annoncé simplement l'agence APS, citant "la direction de campagne" du chef de l'Etat.

Pas de réactions des proches de Bouteflika

Aucune explication n'a été donnée à ce changement à quelques heures de l'expiration du délai de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle, dimanche minuit (23h GMT). Plusieurs centaines d'Algériens ont également manifesté en France samedi, notamment à Lyon (sud-est).

Jusqu'à présent, aucun responsable algérien n'a jusqu'ici réagi officiellement à l'imposante mobilisation des Algériens pour dire leur rejet de la perspective d'un cinquième mandat du président sortant, qui a célébré samedi ses 82 ans.

Le chef de l'Etat est hospitalisé en Suisse depuis sept jours, officiellement pour "des examens médicaux périodiques". Son retour en Algérie n'a toujours pas été annoncé.

Aucune disposition légale ne semble cependant obliger un candidat à se présenter en personne au Conseil constitutionnel pour y déposer son dossier.

"Fusible"

En l'absence physique du chef de l'état, qui ne s'est pas adressé aux Algériens depuis un accident vasculaire cérébral en 2013 et qui n'apparaît plus que rarement en public, Abdelmalek Sellal se retrouvait en première ligne depuis le début de la contestation. Il pourrait avoir servi de "fusible", a expliqué à l'AFP un observateur ayant requis l'anonymat.

"Son limogeage pourrait être une première réponse" à cette contestation qui vise directement Abdelaziz Bouteflika depuis une semaine, "mais ça risque d'être un peu court", a-t-il estimé.

Son remplaçant Abdelghani Zaalane, haut fonctionnaire de 54 ans qui a fait carrière dans l'administration préfectorale, en tant que secrétaire général de wilayas (préfecture) puis de wali (préfet) notamment d'Oran, deuxième ville du pays, est peu connu du grand public.

Toute la semaine, le camp présidentiel a réaffirmé que la contestation n'empêcherait pas le scrutin de se tenir dans les délais et que le dossier de candidature du chef de l'Etat serait remis dimanche au Conseil constitutionnel.

Les autorités "espèrent tenir jusqu'à dimanche, avec l'espoir qu'une fois la candidature de Bouteflika actée et rendez-vous donné dans les urnes, la contestation s'essoufflera", expliquait à l'AFP, avant les derniers défilés en date, un autre observateur sous le couvert de l'anonymat.

Difficile de savoir si la mobilisation exceptionnelle de vendredi peut changer la donne. "Ce n'est pas dans les habitudes de ce régime de céder à la rue", note cet observateur, "s'il recule sur la candidature, jusqu'où devra-t-il reculer ensuite?".

Quel adversaire pour Bouteflika?

Le risque que le président sortant se retrouve sans adversaire crédible apparaît, malgré l situation actuelle, réel alors que son camp entend démontrer la légitimé du chef de l'Etat dans les urnes le 18 avril.

Seuls quatre petits candidats ont jusqu'ici déposé leur dossier de candidature, tandis que trois figures de l'opposition semblent tergiverser et que le Parti des Travailleurs (PT), petite formation d'extrême-gauche, a renoncé, en raison de la contestation, à présenter un candidat pour la première fois depuis 2004.

L'opposition, inaudible et totalement absente du mouvement de contestation né des seuls réseaux sociaux, a brièvement tenté et en vain de se mettre d'accord sur un candidat unique.

Principal adversaire de Bouteflika aux présidentielles de 2004 et 2014, son ancien Premier ministre Ali Benflis devait annoncer dimanche s'il se porte ou non candidat. Tout comme Abderrezak Makri, président et candidat déclaré du Mouvement de la société pour la paix (MSP), principal parti islamiste qui a rompu en 2012 avec l'alliance présidentielle.

L'homme d'affaires Rachid Nekkaz, omniprésent sur les réseaux sociaux et qui draine des foules de jeunes enthousiastes, semble ne pas remplir les conditions d'éligibilité. Il dit avoir obtenu la perte de sa nationalité française, mais la loi électorale prévoit qu'un candidat ne doit jamais "avoir possédé une autre nationalité" qu'algérienne.

Une fois les dossiers déposés, le Conseil constitutionnel statuera dans les dix jours sur leur validité.

Hugo Septier avec AFP