Les réseaux sociaux, arme de la contestation en Algérie

Un manifestant brandit une pancarte avec un "5" barré et une inscription "Non au 5e mandat" d'Abdelaziz Bouteflika, le 22 février 2019 à Alger. - Ryad Kramdi - AFP
Vendredi 22 février. Plusieurs milliers de personnes défilent pacifiquement dans les rues algériennes pour protester contre la candidature annoncée du président sortant Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, à un cinquième mandat. Ils répondent à plusieurs appels à manifester après la prière du vendredi, publiés sur les réseaux sociaux. Selon plusieurs journalistes, ces appels sont “anonymes”. Nous n’avons pas pu en consulter.
Plusieurs autres manifestations ont lieu les jours suivants. Les avocats lundi, les étudiants mardi. Là encore, difficile de savoir qui se trouve derrière ces appels au rassemblement. Sur quelle plateforme et sous quelle forme sont-ils publiés? Combien circulent? Sur Twitter, certains internautes en publient mais nous n’avons pas pu identifier leur provenance.
Diffusions en direct des manifestations
Le rôle joué par les réseaux sociaux dans l’organisation de la contestation est flou. Mais pendant les manifestations, il est évident. Facebook, Twitter et autres ont été utilisés comme support de diffusion d’images que les médias d’Etat ne montraient pas. Du moins au début.
“Les réseaux sociaux ont imposé un vent de liberté, témoigne Omar Belhouchet, directeur du quotidien algérien el-Watan, au micro d'Europe 1. La presse traditionnelle est contrôlée, les journalistes ont beaucoup de difficulté à travailler, à collecter l’information, à maintenir leur indépendance éditoriale par rapport aux autorités”.
A tel point qu'au lendemain de la manifestation du 22 février, une rédactrice en chef de la radio nationale officielle Chaine 3 démissionne pour protester contre la censure. Jeudi, toute la profession se rassemble pour manifester en ce sens.
Depuis le début des manifestations, des dizaines de vidéos sont publiées chaque jour sur la page Facebook “1.2.3 viva l’algérie”, likée plus de 860.000 fois.
“On est dans une logique de journalisme citoyen”, détaille Amel Boubekeur, chercheuse associée au Centre Jacques Berque à Rabat, à BFM Tech.
Témoigner de la répression
Pour elle, filmer la contestation est aussi une manière de se protéger en cas de violences. Comme l’a fait Rachid Nekkaz, potentiel candidat à la prochaine élection, quand la police l’a arrêté à quelques kilomètres d’Oran, mardi. “En plus des images, des témoignages et des informations sur les récentes arrestations, on trouve aussi des conseils sur les réseaux sociaux. Comment se comporter si la police vous arrête par exemple”, détaille Amel Boubekeur.
Des coupures d'internet
En Algérie, 21 millions de personnes sont connectées à internet selon les chiffres de Digital 2018. Soit une personne sur deux. Mais l’accès est perturbé depuis le début des manifestations.
“Je suis à Alger et je n’ai aucune connexion”, témoigne Amel Boubekeur, vendredi matin, juste avant le début des manifestations.
Plusieurs journalistes présents sur place font le même constat. Selon l’organisation non gouvernementale NetBlocks, internet est perturbé en Algérie depuis jeudi 21, veille du premier jour des manifestations. Plusieurs coupures ont été enregistrées dans la région d’Alger et ses environs. Pour Amel Boubekeur, il est probable qu'elles soient motivées par une volonté d’empêcher l’accès aux réseaux sociaux. “Mais c’est un peu illusoire”, conclut Amel Boubekeur. La journaliste de RFI Leïla Beratto affirme avoir résolu le problème en utilisant un VPN.