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"Hunger Games", une inspiration pour les manifestants thaïlandais

Une étudiante thaïlandaise faisant le salut des rebelles, devant l'affiche de "Hunger Games: La révolte - 1ère partie", le 20 novembre 2014 à Bangkok.

Une étudiante thaïlandaise faisant le salut des rebelles, devant l'affiche de "Hunger Games: La révolte - 1ère partie", le 20 novembre 2014 à Bangkok. - Christophe Archambault - AFP

Hunger Games: La révolte cartonne un peu partout dans le monde. En Thaïlande, le film revêt un caractère subversif et inspire les opposants à la junte militaire. Plusieurs cinémas y ont annulé sa diffusion.

La junte militaire thaïlandaise n'est pas très fan de Hunger Games. Le film, dont le nouvel opus s'intitule La révolte, cartonne dans le monde entier. En Thaïlande, il revêt même un caractère politique, inspirant les opposants à la junte militaire, en place dans le pays depuis le mois de mai.

La sortie du blockbuster sur les écrans thaïlandais a donné lieu jeudi à des interpellations d'étudiants devant les cinémas de Bangkok. Certains ont même annulé la diffusion du film, par crainte d'incidents.

Symbole de résistance

Le chef de la junte au pouvoir en Thaïlande a assuré vendredi ne pas être "inquiet" de l'appropriation par ses opposants du geste des rebelles de la saga. De son côté l'ONU s'est émue des interpellations de contestataires.

D'après la police, deux étudiants ont été interpellés devant un complexe du centre de la capitale et une jeune femme devant un autre après avoir fait le salut des rebelles de la saga.

En Thaïlande, le signe des rebelles de Hunger Games, le bras tendu avec pouce et auriculaire replié et les trois autres doigts tendus, est devenu un symbole de résistance à la junte.

État totalitaire

"Cette affaire est la dernière illustration d'une tendance inquiétante aux violations des droits de l'Homme, qui a pour effet de supprimer les voix critiques", a réagi Matilda Bogner, représentante du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme. "Je ne suis pas inquiet face aux manifestations au salut à trois doigts", a déclaré de son côté le général Prayut Chan-O-Cha devant la presse.

La sortie de Hunger Games sur les écrans thaïlandais a donné lieu mercredi et jeudi à Bangkok, à l'interpellation de huit étudiants qui avaient fait le salut des rebelles du film, face au chef de la junte.

Mais pour l'heure, ces étudiants ont tous été relâchés sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, a assuré la police. "Je ne sais pas si (le fait de faire ce geste) est illégal ou pas. Auquel cas, cela pourrait compromettre leur avenir", a-t-il menacé à demi-mots, les étudiants pouvant par exemple avoir un fichier judiciaire, ce qui leur fermerait des carrières.

"Je ne veux pas les punir, alors ils ont été à peine réprimandés, avant d'être relâchés", a ajouté le général Prayut. Il a précisé avoir visionné le premier opus de la saga des Hunger Games, qui met en scène la révolte des habitants de "districts" opprimés face à un Etat totalitaire.

Censure des médias

"C'est un film, pas la réalité", a-t-il tranché, alors qu'en Thaïlande les libertés publiques sont restreintes, avec notamment une interdiction de manifester et une censure des médias. Certains cinémas ont annulé la diffusion du film par crainte d'incidents.

Après le coup d'Etat du 22 mai, des groupes de Thaïlandais, souvent des étudiants, avaient fait des manifestations symboliques, avec le geste à trois doigts des "Hunger Games" ou en lisant en public le célèbre livre 1984 de George Orwell, pamphlet contre le totalitarisme. Mais le mouvement s'était étiolé face aux interpellations et replié sur la Toile.

"Chasse aux sorcières"

L'armée a assuré avoir pris le pouvoir pour restaurer l'ordre public après sept mois de manifestations contre le gouvernement civil de Yingluck Shinawatra. Mais elle est accusée de faire partie d'un complot destiné à rétablir un contrôle des forces conservatrices ultra-royalistes sur la direction du pays.

La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) s'est inquiétée vendredi d'une "chasse aux sorcières" lancée en Thaïlande contre les voix critiques, en utilisant la draconienne loi de lèse-majesté. Celle-ci punit le crime de 15 ans de prison. "Sous prétexte de protéger la monarchie, la junte s'est lancée dans une chasse aux sorcières", souligne l'organisation internationale.

Selon les chiffres de la FIDH, 15 des 20 personnes actuellement derrière les barreaux pour lèse-majesté ont été interpellées depuis le coup d'Etat du 22 mai.

M. R. avec AFP