Facebook live, prière par téléphone ou à la maison: en Italie, le coronavirus complique les funérailles

Avec un peu plus de 3400 morts ce vendredi, l'Italie paye le plus lourd tribut au monde en pleine crise du coronavirus. De nouvelles mesures restrictives sont à l'étude par le gouvernement pour endiguer l'épidémie, mais les déplacements sont déjà strictement limités dans tout le pays, et les rassemblements interdits. Conséquence de ces limitations et de l'ampleur du bilan humain, le pays rencontre les plus grandes difficultés pour enterrer ses morts, en particulier la partie nord de la péninsule, touchée de plein fouet, qui enregistre trois quarts des cas de contaminations et des décès.
Des rangées de cercueils sur le sol de l'église
Dans la presse italienne, ces derniers jours, les images les plus irréelles se succèdent. Il y a d'abord eu celles de ces dizaines de cercueils alignés sur le sol d'une église proche du cimetière de Bergame, plein à craquer et fermé au public. Celles ensuite, toujours dan cette même ville, de ces 70 véhicules militaires emportant, en pleine nuit, les dépouilles de nombreuses victimes vers des crématoriums de la région, afin de désengorger l'unique que compte la cité lombarde aux 120.000 habitants. Un crématorium qui tourne déjà 24 heures sur 24, alors que la Lombardie est la région du pays la plus touchée par l'épidémie.
4600 personnes sont contaminées dans la ville, sur les quelque 33.000 cas actuellement positifs recensés dans le pays, et les chambres mortuaires ne peuvent plus accueillir tous les cercueils qui arrivent en nombre et qui sont donc envoyés rapidement au cimetière.
"On ne sait plus où mettre les morts, certaines églises sont utilisées", confirme l'évêque de Bergame, Mgr Francesco Beschi, interrogé par Vatican News.
Enterré dans la solitude
Pour les familles des victimes, cette situation a des conséquences dramatiques. Les funérailles sont rendues quasiment impossibles, car elles sont organisées sans cérémonie et sans messe, celles-ci étant considérées comme des rassemblements et donc interdites sur le territoire. Elles se déroulent parfois sans que la famille puisse venir faire ses adieux au défunt, à cause des déplacements non autorisés.
Quand la famille peut être présente, elle est réduite à quelques personnes uniquement. Sans compter que les personnes confinées car contaminées sont dans l'impossibilité de sortir de chez elles. L'exposition des corps aux familles des défunts, victimes du coronavirus, est également interdite pour limiter la contagion. Tous les cercueils restent donc fermés. Pour les catholiques, les mesures de confinement empêchant aussi de pratiquer l'extrême onction, la bénédiction est pratiquée par les proches du défunt.
"Un prêtre qui a perdu son père m’a téléphoné. Lui est en quarantaine, la mère est en quarantaine seule dans une autre maison, ses frères sont en quarantaine et les funérailles ne sont pas autorisées. Il sera emmené au cimetière et enterré sans que personne ne puisse participer à ce moment de la piété humaine et chrétienne", raconte Mgr Beschi.
Les hommes d'église, pas épargnés par la maladie, sont inhumés sans rituel funéraire, comme toutes les autres victimes du virus.
9000 personnes sur le Facebook live
Face à ces situations intenables, les initiatives - irréelles elles aussi - se multiplient. Comme le rapportait le quotidien La Stampa le 14 mars, un Facebook live a été organisé pour les funérailles de la jeune Priscilla, morte trois jours plus tôt d'une méningite foudroyante à 17 ans, en pleine épidémie de Covid-19, dans la région de Côme, en Lombardie. La cérémonie d'une heure, à laquelle ont participé quelques proches, la plupart portant un masque de protection, a été visionnée par 9000 personnes sur la page Facebook de l'église évangélique fréquentée par la jeune fille.
Bologna Today évoque également le cas d'un arbitre international mort du coronavirus le 8 mars, et dont la famille a décidé de retransmettre sur Facebook la cérémonie organisée en son hommage, avec l'accord du prêtre.
De nombreux prêtres tentent en effet de s'adapter à ces situations exceptionnelles. C'est le cas de frère Aquilino Apassiti, 84 ans, missionnaire à l'hôpital Giovanni XXIII de Bergame, dont l'interview à InBlu radio, réseau de radios catholiques de la Conférence épiscopale italienne, est rapportée par l'agence de presse Adnkronos. "La famille des défunts m'appelle, moi je mets le téléphone portable sur le cercueil de leur proche et nous prions ensemble", explique-t-il, précisant que tout se déroule "dans le respect des mesures de sécurité" mises en place dans le pays.
"L'autre jour, une dame ne pouvant plus dire adieu à son défunt mari m'a demandé de faire ce geste. J'ai béni le cercueil du mari, j'ai fait une prière et nous nous sommes mis à pleurer elle et moi, au téléphone. C'est une douleur dans la douleur, un moment très éprouvant", conclut-il.
Dans plusieurs médias, des conseils sont délivrés aux proches de victimes devant faire face à ces circonstances particulières, qui peuvent empêcher le travail de deuil. Isabella Cinquegrana, psychologue interrogée par l'agence de presse italienne Agi, conseille par exemple aux personnes dans l'incapacité de se rendre aux funérailles d'un proche de recréer un rituel à la maison, par exemple autour d'objets ayant appartenu au défunt, à l'aide de bougies. Même conseil mais pour les croyants cette fois, sur le site catholique Avvenire, qui invite ses lecteurs en deuil à faire une "prière domestique".