Loukachenko : la démocratie, "ils peuvent se la garder !"

Le chef de l'Etat biélorusse, Alexandre Loukachenko, a donné une interview exclusive au journal britannique The Independent. Des propos rares et sans langue de bois. Extraits.

La Biélorussie est souvent décrite comme la dernière dictature d'Europe. Les fréquentations de son président depuis dix-huit ans n'arrangent rien. Dans une rare interview qu'il a accordée au journal The Independent, et relayée par Presseurop, Alexandre Loukachenko évoque ses relations conflictuelles avec les Etats-Unis, l'Occident et… la démocratie.

Peu bavard dans les médias internationaux, Alexandre Loukachenko est intarissable sur ses amis. Trois adjectifs pour qualifier Bachar el-Assad, le président syrien dont le régime est responsable des massacres ? "Formidable", "civilisé" et "absolument européen".

Il mentionne Saddam Hussein et se souvient d'une conversation avec Mouammar Kadhafi, l’ancien dictateur libyen : "Je lui ai dit : 'Mouammar, tu dois résoudre toi-même la question de l’Europe !' Puis il m’a parlé de ses relations avec Sarkozy".

Les Etats-Unis, meilleurs ennemis

"Des émissaires américains sont venus me voir avant la crise en Irak et m’ont demandé de déclarer publiquement qu’il y avait des armes nucléaires dans ce pays. J’ai refusé", raconte Alexandre Loukachenko au patron du quotidien britannique, Evguéni Lebedev.

Selon le chef d'Etat biélorusse, il n'y a pas, à sa connaissance, d'armes nucléaires en Irak. "Leur réponse ? 'On vous croit, mais la machine de guerre est déjà enclenchée, on ne peut plus l’arrêter’. Je peux vous jurer que cette conversation a eu lieu, qu’un homme est venu me voir et que nous avons discuté de cette question ici même.”

"Vous êtes des bandits. Des bandits démocrates"

Bien installé dans ses bureaux "faussement grandioses de Minsk", comme le rapporte The Independent, Alexandre Loukachenko poursuit: "Les Américains veulent nous imposer le système démocratique. Qu’ils aillent installer la démocratie en Arabie saoudite ! Est-ce que mon pays ressemble à l’Arabie saoudite ? Pas du tout !" Et d'attaquer de nouveau lesAméricains: "Vous êtes des bandits. Des bandits démocrates. Vous avez détruit les vies de milliers, voire de millions de personnes [en Irak et en Afghanistan]."

Déterminé, il poursuit : "Tous les jours, le monde occidental essaie de me rendre démocrate à coup de matraque. Si c’est ça leur démocratie, ils peuvent se la garder !”

"Loukachenko est méchant ! Et alors ?"

Santé, éducation et sécurité sont à la base du "miracle biélorusse", la politique menée par le président depuis sa prise de pouvoir en 1994. Seulement, la récente crise économique menace ce système hérité de l'époque soviétique. Jusqu'ici muselées, l'opinion publique et l'opposition politique se sont de nouveau fait entendre lors de la campagne présidentielle de décembre 2010.

Conséquence : une répression accrue contre les journalistes et opposants biélorusses comme le constate Amnesty International. Confortablement installé près du faux feu de cheminée de son bureau de Minsk, le chef de l'Etat biélorusse ne se démonte pas : "Loukachenko est méchant ! Et alors ? Sortez dans la rue, regardez autour de vous : tout est propre, impeccable, des gens normaux se promènent. Un dictateur peut au moins être fier de ça."