BFMTV
Europe

Guerre en Ukraine: que sont les mines antipersonnel, soupçonnées d'être utilisées par les Russes?

Une mine antipersonnel identifiée à San Carlos, en Colombie, en 2012 (photo d'illustration)

Une mine antipersonnel identifiée à San Carlos, en Colombie, en 2012 (photo d'illustration) - RAUL ARBOLEDA / AFP

Depuis la Convention d'Ottawa de 1997, 164 États interdisent l'emploi, le stockage, la production et le transfert des mines antipersonnel. La Russie, qui a le plus gros stock mondial de ce type d'armes, n'a pas ratifié ce traité. En pleine invasion russe de l'Ukraine, les autorités ukrainiennes accusent leur voisin d'utiliser ces mines, qui restent actives des années, contre des civils.

Treize jours après le début de l'invasion russe en Ukraine, les morts civiles continuent de se multiplier dans le pays. Dans la région de Tchernihiv, l'une des villes stratégiques à 150 kilomètres au nord de Kiev, trois adultes ont été tués et trois enfants blessés par une mine antipersonnel, a annoncé ce mardi la chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien, Liudmyla Denisova.

C'est la première fois depuis le début de la guerre, le 24 février, que les autorités ukrainiennes évoquent officiellement des personnes tuées par de telles mines. "Les mines antipersonnel posées par l'armée de la Fédération de Russie dans la région de Tchernihiv sont interdites" par le droit international, a souligné Liudmyla Denisova, ajoutant que "l'utilisation de ce types d'armes contre la population civile est un crime contre l'humanité".

Une arme interdite par de nombreux États, autorisée par la Russie

Pourquoi l'utilisation de type d'arme est-elle aussi décriée? En 1997, la Convention d'Ottawa, de son titre officiel la "Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction", est conclue. La Convention, qui interdit donc aux pays signataires les mines terrestres antipersonnel, leur impose également la destruction des stocks, et des mines déjà posées. Ouverte à tous, elle compte aujourd'hui 164 États signataires.

La Russie possède actuellement le plus gros stock de mines antipersonnel au monde, avec 26,5 millions d'unités, d'après le rapport 2021 de l'Observatoire des mines, de la Cluster Munition Coalition (CMC). Soit loin devant d'autres pays producteurs, comme les États-Unis (3 millions) ou la Chine (moins de 5 millions). Ces gros pays producteurs n'ont pas adhéré à la Convention d'Ottawa, ce qui "contribue à en amoindrir la portée", souligne le ministère des Affaires étrangères.

Le nombre de victimes de mines antipersonnel en augmentation

D'autant plus que le nombre de victimes de mines antipersonnel dans le monde reste important, et est même en augmentation. Toujours selon l'Observatoire des mines, on comptait 5853 victimes - mortes ou blessées - de mines antipersonnel en 2019, puis 7073 en 2020, soit une augmentation de 21%.

Sur ce chiffre, 2942 personnes sont mortes, 4561 ont été blessées et le statut de 20 autres n'a pas été précisé. 80% des victimes en 2020 sont des civils. Sur les personnes dont l'âge a été communiqué, la moitié sont des enfants. Toujours en 2020, huit États dans le monde ont enregistré plus de 100 victimes à cause de ce type d'armes: l'Afghanistan, le Burkina Faso, la Colombie, l'Irak, le Mali, le Nigéria, le Yémen, et l'Ukraine. En 2020, 277 personnes sont mortes en Ukraine à cause d'explosions de mine antipersonnel, en majorité dans les territoires séparatistes du Donetsk et du Lougansk de l'est du pays, qui avaient fait sécession après l'annexion de la Crimée par la Russie.

Comme le souligne le ministère des Affaires étrangères, selon les estimations, "plusieurs dizaines de millions de mines antipersonnel se trouveraient enfouies et actives dans une soixantaine de pays, parfois très longtemps après la fin des conflits armés qui les avaient générées".

Dégâts considérables sur le corps

Si les mines antipersonnel sont régulièrement pointées du doigt par les ONG, c'est à cause des dommages considérables qu'elles infligent aux victimes. Placés sur ou légèrement sous le sol, les engins sont conçus "pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes", souligne la Convention d'Ottawa.

D'après le Comité international de la Croix Rouge (CICR), "les blessures causées par les mines antipersonnel sont particulièrement atroces, et les chirurgiens de guerre les considèrent parmi les plus difficiles à traiter. Souvent, lorsqu'une personne pose le pied sur une mine antipersonnel enfouie dans le sol, l'explosion arrache sa jambe, voire les deux, et projette de la terre, de l'herbe, du gravier, des éclats de métal et de plastique provenant du boîtier de la mine, des morceaux de chaussure et des fragments d'os dans les muscles et les parties inférieures du corps de la victime", détaille l'ONG.

En cas de manipulation, les engins peuvent également provoquer de gros dégâts sur les bras et la partie supérieure du corps. Les personnes qui y survivent doivent souvent "être amputées, subir de multiples opérations et suivre une longue réadaptation physique", ajoute la CICR. En plus des lourdes séquelles physiques, les conséquences psychologiques perdurent des années.

"Posées sans discrimination, ces armes tuent, mutilent et blessent indistinctement militaires et populations civiles, souvent bien après la fin des hostilités", résume le quai d'Orsay.

Les bombes à sous-munitions, autre menace pour les civils, utilisées par la Russie

Un autre type d'arme, qui peut, à terme, se transformer en mine antipersonnel, a beaucoup été évoqué ces derniers jours dans le contexte de cette invasion russe: les bombes à sous-munitions. À plusieurs reprises depuis le 24 février, des ONG ont dénoncé l'utilisation, par les forces russes, de ses explosifs.

Selon Amnesty International, une école maternelle où se réfugiaient des civils à Okhtyrka, dans le Nord-Est de l'Ukraine, a été touchée le 25 février par ces bombes. Trois civils, dont un enfant, ont été tués et un autre enfant a été blessé. L'ONG s'appuie sur des images vidéo de drone prises sur les lieux qui montrent que des armes à sous-munitions ont touché au moins en sept endroits le bâtiment ou ses alentours, ainsi que sur des photos et vidéos, communiquées par une source locale.

Vendredi, c'est l'organisation Human Rights Watch (HRW) qui a tiré la sonnette d'alarme, après plusieurs frappes qui ont visé Kharkiv, la deuxième ville du pays. D'après HRW, les forces russes ont fait usage de ces armes "dans au moins trois quartiers résidentiels de Kharkiv".

Leur utilisation est interdite par la Convention sur les armes à sous-munitions, dite la "Convention d'Oslo", adoptée en 2008 par plus d'une centaine d'États. Comme la Convention d'Ottawa, la Russie ne l'a pas signée.

Ces bombes à sous-munitions (BASM) sont composées d'un conteneur, similaire à un obus, regroupant des projectiles explosifs, de taille plus réduite, dites "sous-munitions". Très imprécises, elles peuvent frapper une immense proportion de civils.

Les armes à sous-munitions dispersent en effet une multitude de petites munitions dans une très large zone. Certaines restent non explosées et peuvent tuer des années après. Comme peuvent le faire les mines antipersonnel.

Fanny Rocher