Guerre en Ukraine: à Marioupol, la crainte de l'utilisation d'armes chimiques

Image satellite de la ville ukrainienne de Marioupol bombardée, prise le 19 mars 2022. - Satellite image ©2022 Maxar Technologies / AFP
La situation à Marioupol est de plus en plus désespérée. Cette ville portuaire du sud-est de l'Ukraine est devenue un symbole depuis le début de l'offensive russe. Si elle n'est pas encore totalement tombée aux mains de l'envahisseur, cela ne semble être plus qu'une question de temps.
Selon le conseil présidentiel ukrainien, "des dizaines de milliers" des personnes y sont mortes, sur les 500.000 habitants au départ, et "90% des maisons" ont été détruites. Il ajoute que les soldats ukrainiens sont aujourd'hui "encerclés et bloqués".
La prise de la ville est néanmoins essentielle pour le Kremlin, stratégique dans l'objectif de relier les territoires occupés du Donbass et de la Crimée. Plusieurs cadres occidentaux et ukrainiens craignent que, pour atteindre cet objectif, les troupes russes aient fait usage d'armes chimiques dans la ville.
"Faire sortir les taupes de leur trou"
"L'un des porte-paroles des envahisseurs a déclaré qu'ils envisageaient d'utiliser des armes chimiques contre les défenseurs de Marioupol. Nous le prenons très au sérieux", a affirmé Volodymyr Zelensky dans une adresse vidéo diffusée ce lundi.
Le président ukrainien parle ici des menaces du représentant de l'armée séparatiste prorusse à Donetsk, Edouard Bassourine, qui a déclaré que, à Marioupol, "les armes chimiques trouveront un moyen de faire sortir les taupes de leur trou", référence aux soldats ukrainiens retranchés dans la ville.
Une "substance toxique" larguée
Parmi ces militaires ukrainiens se trouve notamment une partie du controversé régiment Azov. Son fondateur, Andriï Biletsky, a lui affirmé dans un message publié sur Telegram qu'"un drone ennemi" avait largué une "substance toxique d'origine inconnue" sur des civils et des soldats à Marioupol.
"Trois personnes présentent des signes clairs d’empoisonnement par des produits chimiques de guerre mais sans conséquences catastrophiques. (...) Les victimes souffrent d’une insuffisance respiratoire et d’un syndrome vestibulo-atactique", poursuit-il.
Une parlementaire ukrainienne, Ivanna Klympush, a également affirmé qu'une substance toxique avait été utilisée à Marioupol, où plusieurs personnes souffrent d’insuffisance respiratoire selon elle. "Très probablement des armes chimiques", a-t-elle détaillée dans un tweet.
Pas de confirmation mais une enquête ouverte
Petro Andriouchtchenko, un conseiller du maire de Marioupol, a souligné sur le même canal que "les informations sur l’attaque chimique ne sont pas actuellement confirmées".
Même son de cloche du côté des Etats-Unis, où John Kirby, porte-parole du Pentagone, a néanmoins considéré ces informations comme "préoccupantes" et reflétant "les inquiétudes que nous avons eues quant à la possibilité pour la Russie d’utiliser divers agents antiémeutes, notamment des gaz lacrymogènes mélangés à des agents chimiques".
Face aux soupçons, le Royaume-Uni, qui avait déjà émis des doutes sur l'utilisation d'armes chimiques par les Russes en Ukraine, a lancé une enquête pour tenter de comprendre ce qu'il a pu se passer à Marioupol. "Nous travaillons de toute urgence avec nos partenaires pour vérifier les renseignements", a déclaré ce lundi la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, déclarant que toute utilisation d'armes chimiques par Moscou "constituerait une escalade brutale dans ce conflit et nous demanderons des comptes [au président russe Vladimir] Poutine et à son régime".
Des précédents?
Les armes chimiques sont, selon l'organisation pour l'Interdiction des Armes Chimiques, "un produit chimique utilisé pour provoquer la mort ou d'autres dommages par son action toxique". Leur utilisation constitue un crime de guerre, selon Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) signée par la Russie en 1997.
En août 2020, le principal opposant au Kremlin Alexeï Navalny est empoisonné. Plusieurs pays, dont la France, estiment alors qu’il a été victime d’une tentative d’assassinat par le gouvernement russe. Des États membres de la Convention identifient "un agent neurotoxique organophosphoré du groupe Novitchok dans l’échantillon sanguin", une arme chimique, sous la forme d’un poison, conçue par les soviétiques dans les années 80.
Le président Volodymyr Zelensky a également accusé la Russie d’avoir utilisé des bombes au phosphore en Ukraine. Elles ne sont pas considérées comme des armes chimiques mais détournées de leur utilisation première, elles peuvent faire beaucoup de dégâts.