Un droit "très personnel": la justice autorise une Espagnole de 24 ans à être euthanasiée, malgré l'opposition de son père

Un patient pris en charge en soins intensifs à l'hôpital del Mar à Barcelone, en Espagne, le 4 août 2021 - Josep LAGO / AFP
La justice la considère comme pleinement apte à choisir sa fin de vie. Une juge de Barcelone a rejeté le recours d'un père qui veut empêcher l'euthanasie de sa fille paraplégique, en considérant que la jeune femme remplissait les conditions fixées par la loi espagnole de 2021, et notamment la capacité de décider.
"Tous les professionnels qui sont intervenus dans le processus s'accordent à affirmer que (la jeune femme) souffre d'une condition grave, chronique et invalidante, sans qu'aucune preuve contraire n'ait été présentée", a indiqué la juge Irene Urbón dans sa décision, datée du 14 mars mais rendue publique ce lundi 17 mars, qui est susceptible d'un appel.
De même, elle considère "accréditée" la capacité de la jeune fille à décider de ce droit "très personnel", contrairement à ce que soutient son père en invoquant des troubles psychiques.
Des membres de l'association ultraconservatrice Abogados Cristianos (Avocats chrétiens) représentant le père ont indiqué à l'Agence France-presse (AFP) qu'ils feraient appel de la décision.
Devenue paraplégique après une tentative de suicide
La jeune femme, âgée aujourd'hui de 24 ans, est devenue paraplégique après s'être jetée du cinquième étage lors d'une tentative de suicide en 2022. Elle a officiellement demandé l'euthanasie en avril 2024.
Les spécialistes de la Commission de Garantie et d'Évaluation de Catalogne avaient estimé en juillet que sa demande était conforme à la loi.
Cette dernière stipule en Espagne que toute personne jouissant de ses facultés et souffrant d'une "maladie grave et incurable" ou d'une affection "chronique et invalidante" pouvait demander de l'aide pour mourir, sous réserve de remplir certains critères.
Le père estime qu'elle souffre de troubles mentaux
Cependant, peu avant la date prévue pour son euthanasie, le 2 août, la justice avait accepté un recours introduit par Abogados Cristianos au nom du père de la jeune femme et demandant que le processus soit stoppé.
Le père affirmait que sa fille souffrait de troubles mentaux pouvant "affecter sa capacité à prendre une décision libre et consciente", selon le recours déposé.
Il soutenait également que la jeune femme, qui avait tenté de se suicider à plusieurs reprises, avait ensuite laissé entendre qu'elle pouvait avoir changé d'avis et que la blessure dont elle souffrait ne lui causait pas "une souffrance physique ou psychique insupportable".
L'euthanasie légale en cas de "souffrance insupportable"
Mais lors d'une audience tenue à huis clos au début du mois - la première en Espagne concernant une euthanasie déjà autorisée depuis l'adoption de la loi en 2021, selon les associations spécialisées -, la jeune fille a réitéré sa demande de mourir. Le parquet s'était prononcé en faveur, tout en reconnaissant le droit du père à procéder à un recours.
Le Parlement espagnol a approuvé en 2021 la loi dépénalisant l'euthanasie, faisant de l'Espagne l'un des rares pays permettant à un patient incurable de recevoir de l'aide pour mourir afin d'éviter "une souffrance insupportable".
Les conditions pour y parvenir restent toutefois strictes: le demandeur doit être "apte et conscient" au moment de la demande, celle-ci doit être faite par écrit et reconfirmée ultérieurement, et elle doit obtenir l'autorisation d'une commission d'évaluation.