Catalogne: comment Mariano Rajoy tente de reprendre le dessus

Mariano Rajoy au Parlement espagnol, le 11 octobre. - Javier Soriano - AFP
Madrid est-elle en train de reprendre la main sur la situation? Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy s'est exprimé ce mercredi, au lendemain de l'intervention du président de la Catalogne Carles Puigdemont au Parlement catalan. Ce dernier a surpris mardi en annonçant une déclaration d'indépendance, immédiatement suspendue pour trouver une "solution négociée" avec Madrid. Une "simili" proclamation d'indépendance qui agace le gouvernement espagnol au plus haut point. Dès mardi soir, Madrid a ainsi jugé la démarche "inadmissible". Et ce mercredi, Mariano Rajoy, tout en demandant aux indépendantistes de clarifier leur propos, a concrètement agité le spectre de l'article 155 de la Constitution, avant de lancer un ultimatum de cinq jours à Carles Puigdemont.
Un message de fermeté pour reprendre la main
Lors d'une brève allocution télévisée, Mariano Rajoy a annoncé avoir formellement demandé à Carles Puigdemont de confirmer si oui ou non il avait déclaré l'indépendance, estimant que la confusion avait été "délibérément créée" par le gouvernement catalan.
"Au lendemain de la déclaration de Carles Puigdemont, plutôt que d'imposer l'état d'urgence ou d'imposer des mesures drastiques, le Premier ministre renvoie la balle aux Catalans en leur demandant de préciser leur position. Ceux-ci ont voulu entretenir l'ambiguïté pour forcer le Premier ministre à réagir. Le voilà qui réagit en disant aux Catalans 'c'est à vous de nous faire savoir ce que vous souhaitez faire'", résume Ulysse Gosset, spécialiste des questions internationales de BFMTV.
En ordonnant à Barcelone de clarifier son propos, Madrid envoie ainsi un message de fermeté, qui lui permet de reprendre le contrôle de la situation. Après avoir été vivement critiqué pour la violence policière avec laquelle le référendum du 1er octobre a été réprimé, Mariano Rajoy profite de la déclaration en demi-teinte de Carles Puigdemont pour pointer la confusion catalane, et tourner la situation à son avantage. Ainsi, le gouvernement central refuse la voie du dialogue demandée par le président catalan, mais cherche à dicter à nouveau le tempo, et à reprendre la main sur la crise.
Un peu plus tard dans la journée, Mariano Rajoy a enfoncé le clou à la tribune du Parlement espagnol, en estimant que le "référendum illégal" se solde par un "échec complet".
Une menace franche de recours à l'article 155
Bien qu'ayant été moins intransigeant qu'attendu, Mariano Rajoy a tout de même directement menacé les responsables catalans. Tout en intimant à Carles Puigdemont de répondre à sa demande, le Premier ministre espagnol a prévenu qu'il utiliserait pour la première fois l'article 155 de la Constitution, qui permet de suspendre partiellement ou complètement l'autonomie d'une région. "De la réponse du président (...) à cette demande dépendra la suite des événements", a insisté le chef du gouvernement conservateur, recevant aussitôt le soutien du Parti socialiste, principal parti d'opposition.
Pour rappel, le texte de cet article constitutionnel dit que "si une Communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou les autres lois lui imposent ou agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le Gouvernement (...) pourra (...) prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général mentionné".
En clair, le Premier ministre Mariano Rajoy pourra prendre la direction de la Catalogne, si la proclamation d'indépendance est clairement prononcée par Carles Puigdemont. Il aura par exemple le pouvoir de remplacer des membres du gouvernement, ou de prendre le contrôle de la police locale, les Mossos. Après cette déclaration du Premier ministre espagnol, de nombreux indépendantistes catalans interrogés par BFMTV à Barcelone ont estimé que le sursis offert par Mariano Rajoy n'en était pas réellement un, et que celui-ci avait de toute façon pris la décision d'enclencher l'article 155.
La suspension de l'autonomie, sans précédent depuis 1934, serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront et pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture, et dont l'autonomie a été rétablie après la mort du dictateur Francisco Franco.