Qui a empoisonné Alexandre Litvinenko?

L'opposant russe, Alexandre Litvinenko, est mort en 2006 à Londres, victime d'un empoisonnement au polonium. - Vladimir Suvorov - Gazeta files - AFP
Sera-t-on un jour qui a versé du poison dans la tasse de thé d'Alexandre Litvinenko? C'est en tout cas tout l'objet de l'enquête publique qui vient d'être officiellement ouverte par la justice britannique pour déterminer les circonstances précises de la mort en 2006 à Londres de cet opposant russe au pouvoir de Vladimir Poutine.
Cette "enquiry" (enquête publique) a été ouverte le 31 juillet dernier mais les audiences et l'examen de documents confidentiels a débuté ce mardi à huis clos. Elle prend ainsi le relais de l'"inquest", l'enquête judiciaire bloquée par l'impossibilité d'examiner l'éventuelle responsabilité de Moscou.
Empoisonnement au polonium-210
La mort d'Alexandre Litvinenko, ex-agent du FSB, un service secret russe, est digne d'un roman d'espionnage. Le 1er novembre 2006, l'homme a rendez-vous avec deux anciens agents russes dans un hôtel de Londres. Il s'agit d'Andreï Lougovoï, aujourd'hui député, et de Dmitri Kovtoun, un homme d'affaires, avec lesquels il prend le thé.
Le soir même, Alexandre Litvinenko, qui avait reçu l'asile politique en Grande-Bretagne en 2001, commence à se sentir mal. Après trois semaines d'agonie, il succombera à ce qui va se révéler être un empoisonnement au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique retrouvée dans sa tasse de thé.
Des questions "d'une extrême gravité"
Dans une lettre rédigée sur son lit de mort, il avait accusé le président Vladimir Poutine d'avoir commandité son meurtre, une accusation que le Kremlin a toujours niée. "Vous pouvez réussir à faire taire un homme mais le grondement des protestations du monde entier retentiront dans vos oreilles pendant le reste de votre vie, Vladimir Poutine", avait-il notamment dicté.
Aujourd'hui, la justice britannique estime disposer de suffisamment d'éléments à charge à l'encontre des deux anciens agents des services secrets russes. "Les questions qui ont été soulevées par la mort de Litvinenko sont de la plus haute importance et ont suscité un intérêt et une inquiétude à l'échelle de la planète", a déclaré Robert Owen, magistrat et médecin légiste qui préside cette enquête, devant la Haute Cour de Londres. Jugeant que ces "questions sont d'une extrême gravité", et qualifiant sa mort d'"attaque nucléaire miniature dans les rues de Londres".
Examen de documents confidentiels
Le magistrat a par ailleurs "valider" la thèse de l'implication de l'Etat russe dans cet assassinat sur la base de documents confidentiels. Jusqu'alors les autorités britanniques les avaient rejetés mettant en avant ses relations avec la Russie. Londres avait fait volte-face l'été dernier après l'intervention de Moscou dans la crise ukrainienne.
Au cour des deux prochains mois, la plupart des audiences se dérouleront à huis clos pour permettre le témoignage de membres des services secrets et l'examen de documents classés confidentiels. De son côté, la veuve d'Alexandre Litvinenko a confié que "l'important est que les preuves rassemblées par la police vont être présentées et que tout le monde pourra les voir". "C'est la dernières chose que je peux faire pour lui. Je dois défendre son nom et sa mémoire."