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880.000 esclaves en Europe: vote du Parlement européen contre le crime organisé

Le Parlement européen examine mardi un rapport qui dresse un constat assez alarmant sur la prolifération du crime organisé en Europe.

Le Parlement européen examine mardi un rapport qui dresse un constat assez alarmant sur la prolifération du crime organisé en Europe. - -

Le Parlement européen va s'attaquer à un gros morceau mardi. Les éurodéputés doit voter après l'examen d'un rapport alarmant sur le crime organisé, dont la corruption et le trafic d'êtres humains sont les maux les plus saillants.

Corruption, trafic d'êtres humains, travail forcé, esclavage sexuel, paris sportifs illégaux: le crime organisé est un fléau pour l'Europe. Ce mardi à Strasbourg, les députés se penchent sur la question et examinent plusieurs propositions de lutte contre les mafias, le but étant de frapper là où cela fait mal, c’est-à-dire au porte-monnaie. La commission CRIM (de lutte contre la Criminalité, la corruption et le blanchiment de capitaux) est au cœur du dispositif.

Elle a rendu son rapport final le 17 septembre dernier. Le moins que l'on puisse dire est que le prix Nobel de la paix 2012, attribué à l'Union européenne, ne sort pas renforcé de ces constatations. Selon ce rapport révélé par le journal allemand Der Spiegel, pas moins de 3.600 organisations criminelles, le plus souvent transnationales, sévissent au sein de l'Union européenne. Décryptage.

> Quelle est l'ampleur de la criminalité dans l'Union européenne?

• La corruption et le blanchiment d'argent sont les premiers fléaux auxquels l'Union européenne doit faire face. Des économistes ont évalué son coût à 120 milliards d'euros par an, soit 1,1% du PIB de l'UE. Une source du service de presse du Parlement européen fait remarquer qu'il s'agit à peu de choses près, du budget de fonctionnement de l'Union.

• Le travail forcé ou esclavage moderne, encore appelé trafic d'êtres humains, toucherait quelque 880.000 personnes au sein de l'Union. Un quart d'entre elles seraient des esclaves sexuels. Les profits tirés de ce commerce avoisineraient les 25 milliards d'euros.

• Le trafic d'organes humains et d'animaux sauvages produirait quant à lui des bénéfices évalués entre 18 et 26 milliards d'euros.

• La cybercriminalité est également un commerce considérable qui occasionnerait des pertes à hauteur de 290 milliards d'euros. Il est ici question de "phishing" (escroquerie bancaire), de fraudes à la carte de crédit, d'attaques contre des systèmes informatiques ou encore de jeux et paris sportifs illégaux.

> Quelles principales propositions seront présentées mardi à Strasbourg?

• La définition juridique du crime organisé questionne au premier chef les députés européens, puisqu'elle ne recouvre pas forcément les mêmes réalités dans les différents pays de l'Union européenne (UE). Au service de presse du Parlement, on précise que le crime d'appartenance à une organisation de type mafieuse (Involvement in a mafia-type organisation) n'entre pas dans la définition juridique de tous les Etats membres. Le délit n'est donc pas seulement constitué quand la personne appartient en propre à un réseau mafieux, mais aussi quand elle favorise celui-ci.

• L'interdiction du secret bancaire et l'élimination des paradis fiscaux sont les deux remèdes évoqués au premier chef contre la corruption et le blanchiment d'argent.

Il est proposé que les biens appartenant à des réseaux de crime organisé soient confisqués, comme en Italie, avant qu'une affaire ne soit jugée définitivement, en dernier ressort. Les biens confisqués seraient alors utilisés au profit des victimes. Bien entendu, il faudrait traduire cette proposition dans les différents droits nationaux.

Autre suggestion évoquée, les personnes convaincues de blanchiment seraient aussi exclues des appels d'offres au niveau européen.

• Concernant le trafic d'êtres humains, il est question de renforcer les sanctions et d'harmoniser les droits nationaux, notamment par la retranscription d'une directive européenne de 2011, d'ici à 2016.

• Contre le cybercrime, le rapport propose de renforcer l'action du Centre de lutte contre le cybercrime et de faire en sorte que l'organisation de paris illégaux devienne un délit pénal dans tous les pays de l'UE.

> Ce vote aura-t-il des répercussions concrètes en matière de lutte contre le crime organisé?

La réponse peut tenir en un mot: non.

"Non, car ce texte voté par le Parlement européen n'aura aucune valeur juridique contraignante" explique Philippe Moreau-Defarges, chercheur à l'IFRI. Si ce rapport a pour mérite de lancer des débats, "il sera très vite oublié", explique le spécialiste. La lutte contre ces phénomènes criminels ne peut être réalisée qu'à "l'échelle mondiale" et ne peut passer que par "une coopération entre les polices, entre les Etats", par la "création de fichiers communs".

Quant à la création d'un procureur général européen inscrite dans le traité de Lisbonne, celle-ci est bien "en cours", précise Philippe Moreau-Defarges. Mais là encore, le bénéfice concret de cette nouvelle institution risque d'être limité. La raison? "Il [le procureur] sera accaparé par mille dossiers. Le trafic d'êtres humains n'en sera qu'un parmi d'autres". Des dossiers innombrables dont le Parlement européen débattra donc, mais que le vote de mardi ne risque pas de faire réellement avancer.

David Namias