Etats-Unis: les homosexuels pourront-ils donner leur sang?

Des volontaires donnent leur sang lors d'une collecte en France (photo d'illustration) - JEAN-PIERRE CLATOT - AFP
Assouplir ou non l'interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang. C'est le débat que doivent trancher mercredi 17 experts convoqués par la Food and Drug Administration (FDA), aux Etats-Unis. Ces experts, qui auditionnent depuis mardi scientifiques et témoins civils, voteront mercredi sur cette interdiction, qui remonte à 1983 et contre laquelle un nombre grandissant de voix s'élèvent dans les milieux médicaux, les groupes homosexuels et au sein du Congrès, qui la jugent discriminatoire.
Une autorisation à donner son sang, sous condition
Les opposants à cette interdiction font valoir que les connaissances scientifiques et médicales actuelles ne justifient plus une mesure aussi extrême, qui date d'une époque où l'épidémie de sida faisait rage et où la médecine en savait très peu sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
Un comité consultatif du ministère de la Santé a recommandé à la mi-novembre, pour la première fois, que cette interdiction soit remplacée par une disposition selon laquelle un homosexuel pourrait donner son sang à condition qu'il n'ait pas eu de relation sexuelle avec un autre homme pendant au moins un an.
Sarah Warbelow, une représentante de Human Rights Campaign, un groupe de défense des lesbiennes et des homosexuels, a estimé mardi devant la FDA que l'interdiction de 1983 "est dépassée et ne reflète plus un bon jugement scientifique, ce qui est préjudiciable à la communauté homosexuelle en stigmatisant HIV".
Tout en jugeant positif l'assouplissement proposé par le ministère de la Santé, Sara Warbelow estime que cela ne va pas assez loin. Elle propose que la disposition s'applique à tous ceux qui ont des relations risquées, comme par exemple "des hommes qui payent des prostituées".
Les Etats-Unis jugés en retard par certains experts
D'autres intervenants mardi ont pressé les experts de la FDA de maintenir l'interdiction actuelle car tout assouplissement pourrait accroître, selon eux, le risque d'infection du sang donné par le VIH. "Je vous demande avec insistance de rejeter tout changement", a lancé Peter Sprigg, un responsable de l'organisation conservatrice Family Research Council. "A moins qu'on prouve scientifiquement qu'un assouplissement de la politique actuelle en matière de dons de sang n'entraînera aucun risque, il ne faut pas modifier la politique actuelle, car même un léger accroissement du risque est inacceptable", a-t-il martelé.
Le Dr Glenn Cohen, professeur de droit à l'université de Harvard a récemment estimé dans un éditorial du Journal of the American Medical Association que les Etats-Unis étaient en retard sur cette question par rapport à beaucoup d'autres pays, qui ont déjà abandonné l'interdiction aux homosexuels de donner leur sang. Il citait notamment l'Australie, le Japon ou la Grande-Bretagne, qui ont adopté une disposition imposant une période de douze mois sans relations sexuelles. En France en revanche, cette interdiction faite aux homosexuels est toujours en vigueur, même si la ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'était prononcée en faveur de la levée de l'interdiction, dès 2012. La justice européenne avait d'ailleurs épinglé la France à ce sujet, en juillet dernier.