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ÉDITO - Hong Kong: la contestation se métastase

Un manifestant prodémocratie maquille un panneau de signalisation à Causeway Bay, un district de Hong Kong.

Un manifestant prodémocratie maquille un panneau de signalisation à Causeway Bay, un district de Hong Kong. - Isaac Lawrence - AFP

Les Hongkongais ordinaires et les étudiants ont fait cause commune contre les tentatives de Pékin et de leurs relais hongkongais de mettre le pays au pas. L'arrêt du mouvement "Occupy Central" est une pause, et non pas la fin du réveil civique. 

Les derniers vestiges du mouvement démocratique hongkongais ont été balayés -- figurativement et littéralement, lundi 15 décembre au matin. En effet, le mouvement lancé en juin a toujours tenté de nettoyer ses dégâts, et il n'y eut point de vandalisme ni de pillages. Nombreux sont les jeunes manifestants qui ont balayé les rues pendant les événements. 

Pour rappel: tout a commencé le 4 juin 2014, lors de la commémoration annuelle de la répression de Tien An Men (Pékin 1989). Des dizaines de milliers de Hongkongais ont manifesté. Le 10 juin, le gouvernement central à Pékin publiait un Livre blanc sur l'avenir de Hongkong dans lequel était stipulé que les candidats aux futures élections hongkongaises seraient filtrés par un comité nommé par ce même gouvernement central! Et qu'ensuite seulement les candidats officiels seraient choisis par suffrage universel! Cette annonce a incité des citoyens à organiser un référendum officieux sur plusieurs jours culminant le 30 juin, où 800.000 Hongkongais ont exigé la liberté des candidatures! Quelle audace, pour le gouvernement central et son pendant hongkongais, le chef exécutif. 

Le gouvernement de C.Y. Leung moins violent que Viktor Ianoukovitch

Mais Pékin n'a pas pu réprimé aisément ces manifestations et ce référendum: le monde entier regardait alors Hongkong, ce havre de capitalisme débridé dans une bulle gérée à l'occidentale par son droit des affaires et son indifférence débonnaire envers la dissidence politique. Pékin et le Chef exécutif C.Y. Leung ne voulaient pas chasser ces investisseurs et cadres supérieurs occidentaux vers Singapour ou Taïpeï; ainsi l'effusion de sang à Hongkong a été proscrite. Peu de violence donc: quelques tabassages déplorables par la police, et par les gangsters des sinistres Triades (mafia hongkongaise) alliés discrets du pouvoir central. Il n'est pas exclu que quelques manifestants aient malmené des policiers, mais ce fut ultra-marginal. Les manifestants n'ont jamais eu d'autres armes que des masques anti-lacrymogènes, quelques casques, leurs parapluies pour bloquer les jets des vaporisateurs à poivre irritant de la police. Central (quartier des affaires du territoire) n'est pas le Maidan, et Leung n'est pas Viktor Ianoukovitch l'exp-président ukrainien. Pékin n'est pas Moscou: plus totalitaire mais plus subtil aussi.

L'alliance entre étudiants et petit peuple

Surtout, les manifestants ont eu le soutien d'une grande majorité des Hongkongais. C'est étonnant, car ce peuple est tenu pour âpre au gain et apolitique -- grave erreur! J'ai constaté sur place autrefois que chacun travaille six jours par semaine, mais il ne faut pas se moquer du Hongkongais: la duplicité sur les principes fait enrager les gens ordinaires. En clair, l'élite des affaires à Hongkong est ralliée à Pékin, le petit peuple est ambivalent envers la Chine populaire et exige l'autonomie totale de Hongkong. À Hongkong l'on parle le cantonnais, et non pas le mandarin: avec le Livre blanc sus-mentionné, l'éducation glisse davantage dans l'orbite de Pékin, et le cantonnais est menacé. En outre, les élus seront pré-sélectionnés par Pékin: c'était trop pour les étudiants et pour le petit peuple hongkongais. Ces légions de petites gens ont rejoint les activistes étudiants, dont ceux de l'association estudiantine "Scholarism". Ce mélange est puissant, les élites l'ont remarqué, et sans doute le parti communiste central aussi. 

Aujourd'hui tout semble fini, mais sachons que les manifestants ont fait comprendre par plusieurs symboles qu'ils allaient se replier dans l'activisme social, en attendant la prochaine manœuvre du pouvoir central et local. À Pékin comme à Hongkong, ces dirigeants non élus réfléchissent: est-ce que les Occidentaux ont réellement préparé leurs valises face à la mise au pas du territoire? Ce n'était pas immédiatement visible. Les capitales étrangères auraient pu s'intéresser davantage à ce drame. Les Hongkongais, étudiants et gens ordinaires, leur donneront sûrement l'occasion de se rattraper dans l'avenir.