Des évangélistes américains veulent brûler le Coran ce samedi

A l’occasion du 9e anniversaire des attentats du 11 septembre, des évangélistes américains veulent brûler publiquement un exemplaire du Coran - -
Un groupe d’évangélistes américains du Dove World Outreach Center (une église fondamentaliste de Floride) annonce vouloir brûler publiquement un exemplaire du Coran le 11 septembre prochain, déclenchant une polémique et une inquiétude mondiales.
Si l’idée se concrétise, elle aura lieu ce samedi à Gainesville, date symbolique du neuvième anniversaire des attentats du World Trade center. En 2009, le Dove World Outreach Center avait déjà fait la Une des journaux en distribuant des tee-shirts affirmant « L’islam est diabolique ».
Le pasteur du Dove Center, Terry Jones, s'explique sur CNN :
« Très inquiet des répercussions possibles »
Cette annonce provoque l’inquiétude de la communauté internationale, qui multiplie les mises en garde. La Maison Blanche, ainsi que David Petraeus, commandant des forces internationales en Afghanistan, ont condamné le projet du Dove Center ce mardi par voie de communiqué, soulignant les dangers qu’un tel geste pourrait faire courir aux troupes américaines présentes en Afghanistan et en Irak. « Je suis très inquiet des répercussions possibles. Les images d’un coran en flammes seront sans aucun doute utilisées par les extrémistes en Afghanistan et dans le monde pour exciter l’opinion et inciter à la violence » a ainsi déclaré le haut gradé. L’ambassade américaine à Kaboul a elle aussi condamné une « tentative délibérée d’insulter une communauté ».
Un projet « idiot et dangereux »
De la même façon, Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, et Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l’Otan, ont exprimé leur indignation. La première a déclaré, lors d'un dîner de rupture du jeûne, être « encouragée par la condamnation claire et sans équivoque de ce geste irrespectueux, qui est venue des chefs américains de toutes les religions (...) ainsi que des dirigeants américains laïques et des leaders d'opinion ». Le second a souligné a souligné qu’une telle idée « risque d'avoir des conséquences néfastes sur la sécurité de nos troupes ».
Pour le ministre américain de la Justice Eric Holder, qui a reçu mardi soir 16 associations religieuses de toutes confessions dans le but d'examiner les mesures possibles à prendre contre les attaques anti-musulmans, il serait « idiot et dangereux » de brûler ainsi en public le Coran.
En réponse à ces craintes et ces avertissements, le pasteur du Dove Center, Terry Jones, a affirmé sur la chaîne CNN que les « paroles du général [David Petraeus] étaient prises très au sérieux », mais qu’il restait « fermement résolu » à mener son projet à terme. Il serait « tragique » que des vies soient perdues et que « des gens soient offensés, mais nous estimons que le message que nous essayons de faire passer est bien plus important… Nous croyons qu'on ne peut pas reculer devant les dangers de l'Islam » a-t-il ajouté.
Le Vatican a par ailleurs relayé les multiples condamnations exprimées dans L'Osservatore Romano, son journal quotidien, sous le titre « Que personne ne brûle le Coran ! »
« Ce que ça provoquerait dans les nations musulmanes... »
Le projet affiché du Dove Center suscite en outre la colère du monde musulman, qui prévient l’Occident contre de possibles représailles. En Afghanistan, des centaines de manifestants se sont regroupés ce lundi devant une mosquée aux environs de Kaboul, pour y brûler des drapeaux américains et des portraits du pasteur de Dove Center.
En Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde, certains radicaux menacent d’ores et déjà de déclencher une guerre sainte. Ils ont aussi manifesté devant l’ambassade des États-Unis à Jakarta. Inquiets, les chrétiens de l’archipel, réclament l’intervention de Barack Obama. Ce geste « nous ramènerait au Moyen-Âge et constituerait un acte contre la civilisation », a expliqué l’Union des églises protestantes d’Indonésie.
L’Iran, par la voie de son porte-parole des Affaires étrangères, recommande « aux pays occidentaux d'empêcher l'exploitation de la liberté d'expression pour insulter les livres saints sinon les sentiments que cela provoquerait dans les nations musulmanes ne pourraient être contrôlés ».
Enfin, plusieurs associations musulmanes à travers le monde, considèrent que cette démarche prouve l'augmentation de l'islamophobie aux Etats-Unis, rappelant que ces tensions ravivent une autre polémique qui a déchaîné les passions ces dernières semaines aux Etats-Unis : celle du projet de construction d’un centre islamique près de Ground Zero.
« Hors du temps, hors de l’espace, hors de la modernité et hors de la vie »
Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, réagit à la polémique sur RMC : « Nous connaissons hélas ce genre de provocations absolument gratuites. Là, il y a la coïncidence bien sûr entre la fin d’un mois sacré, consacré au Coran d’ailleurs – tout le mois de Ramadan est consacré au Coran - et le malheureux 11 septembre. C’est une date qui met dans la peine et dans la tristesse l’ensemble de l’humanité. Pourquoi stigmatiser, viser les musulmans qui n’y sont pour rien. Ce qui ont fait ça sont des terroristes, des gens abjectes, qui n’ont rien à voir avec les représentations des opinions musulmanes. Les amalgamer à l’Islam, c’est quelque chose d’absolument horrible, gratuit. J’engage mes coreligionnaires à ne pas tomber dans le panneau de la provocation et de répondre avec sagesse. Les autodafés, c’est d’un autre âge, ça ne sert à rien, et ça dénote un esprit pathologique. Personnellement, je ne peux considérer comme normal de croire qu’en brûlant le Coran, on va changer quoi que ce soit, sinon provoquer des réactions qui ne sont pas souhaitables entre les communautés. C’est vraiment, stupide. C’est fou, inutile, et provocant. Ce fanatisme a quelque chose d’antédiluvien, quelque chose de complètement médiéval, de complètement fou, hors du temps, hors de l’espace, hors de la modernité et hors de la vie que nous menons actuellement. Je crois que la laïcité en France est une très grande sagesse et un très grand progrès dans l’organisation des sociétés qui doivent laisser la religion hors de la politique et hors de la polémique. »