Brésil: la présidence Temer entre les mains de la justice

Le président du Brésil Michel Temer à Sao Paulo, le 3 avril 2017 - Miguel SCHINCARIOL, AFP
Le Tribunal supérieur électoral du Brésil a donné mardi le coup d'envoi de délibérations pour juger la validité du dernier scrutin présidentiel, un procès pour financement illégal de campagne qui menace la présidence du conservateur Michel Temer. Ces accusations datent de 2014.
En qualité de vice-président, Michel Temer a succédé en 2016 à Dilma Rousseff, destituée pour maquillage des comptes publics.
"L'élection de 2014 sera connue à l'avenir comme la plus longue de l'histoire du Brésil", a estimé mardi Herman Benjamin, un des principaux juges en charge du dossier, lors de l'ouverture du procès.
Jouer la montre
Michel Temer a le temps comme principal allié. Le procès pourrait en effet être reporté dès le premier jour des débats. Et, même en cas de décision favorable à l'annulation du scrutin, sa défense a déjà annoncé son intention d'épuiser tous les recours possibles, ce qui devrait lui permettre d'aller au terme de son mandat fin 2018.
Si le TSE décide d'annuler le mandat du ticket Rousseff-Temer, ce dernier devra quitter le pouvoir et son successeur sera désigné par le Parlement, voire par des élections anticipées, selon la date de la décision finale.
Il s'agirait d'un véritable coup de tonnerre pour un pays déjà plongé dans une grave crise politique et économique, envenimée par le méga-scandale de corruption Petrobras.
Dénonciation venue d'un ancien adversaire aujourd'hui allié
Le tribunal doit décider si le scrutin de 2014 a été compromis par des fonds provenant de la corruption qui auraient alimenté les caisses noires des partis des candidats. En ligne de mire, des versements effectués par le géant du BTP Odebrecht, accusé de truquer les marchés publics de la compagnie pétrolière d'État.
Ironie du sort, la dénonciation pour "abus de pouvoir économique, politique et fraude" est venue du PSDB (centre-droit), parti d'Aecio Neves, candidat malheureux de ces élections, mais aujourd'hui un allié important du gouvernement Temer, qui nie toute malversation.
"La tranquillité est de mise. Le temps joue en faveur du président et de nombreux recours sont possibles", explique à l'AFP une source du gouvernement, qui prévoit un appel devant la Cour suprême en cas de décision défavorable au chef d'État.
"De nombreux intérêts politiques sont en jeu"
La décision du TSE est prise de façon collégiale, à la majorité des sept magistrats membres du tribunal.
Les délibérations commencent mardi pour prendre fin jeudi, à moins qu'un des juges ne demande une suspension du procès pour examiner les détails du rapport de plus de 1.000 pages qui sert de base aux accusations. Les avocats de la défense peuvent aussi réclamer un report.
"Je ne serais pas surpris qu'une demande de ce type soit utilisée comme instrument pour interrompre le procès. De nombreux intérêts politiques sont en jeu", analyse Michael Mohallem, professeur de droit de la Fondation Getulio Vargas.
La défense de Michel Temer a aussi tenté de couper le ticket électoral en deux, jugeant que le président actuel n'a pas participé aux démarches de financement occulte de la campagne de Mme Rousseff, mais sa motion a peu de chance d'aboutir.
Une situation peu propice à une nouvelle destitution
Même si le chef d'État n'a pas été officiellement mis en cause dans le scandale Petrobras, son nom a été mentionné dans l'enquête et nombre de ses proches collaborateurs ont été éclaboussés par les affaires.
Selon les médias brésiliens, le principal juge en charge de l'affaire, Herman Benjamin, devrait requérir l'invalidation du ticket Rousseff-Temer et la tenue de nouvelles élections. Le tribunal peut aussi les déclarer tous deux inéligibles pour huit ans.
Mais la situation politique et économique du pays n'est pas forcément propice à un nouveau séisme institutionnel, moins d'un an après la destitution de Mme Rousseff.
Le Parlement est largement contrôlé par la coalition autour du gouvernement Temer, qui dispose aussi du soutien des principales forces économiques du pays, peu désireuses de voir dérailler le train de réformes menées par les dirigeants actuels pour sortir le Brésil de la crise.