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Bélarus: manifestation contre le président au pouvoir depuis 23 ans

Des opposants au président du Belarus, Alexandre Loukachenko, manifestent, le 15 mars 2017 à Minsk, contre l'imposition d'une taxe contre le "parasitisme social" dans un mouvement d'une rare ampleur

Des opposants au président du Belarus, Alexandre Loukachenko, manifestent, le 15 mars 2017 à Minsk, contre l'imposition d'une taxe contre le "parasitisme social" dans un mouvement d'une rare ampleur - Sergei Gapon, AFP/Archives

Des manifestations ont éclatés au Bélarus, contre le président Loukachenko, au pouvoir depuis 23 ans, sur fond de difficultés économiques majeures.

"Dehors!" Le slogan, scandé par quelque 3.000 manifestants dans les rues de Minsk, vise l'homme qui dirige le Bélarus sans partage depuis 23 ans, Alexandre Loukachenko, défié par un mouvement d'une ampleur rare pour cette ex-république soviétique.

Relativement modeste à première vue, cette manifestation, tenue la semaine dernière, constitue pourtant l'expression de mécontentement la plus importante à secouer le pays depuis plusieurs années. Accompagnée de rassemblements dans des villes de province généralement calmes socialement depuis des années, elle a pris de court les autorités au moment où un dégel s'amorce dans les relations avec les Occidentaux.

Des motivations économiques

A l'origine du mouvement: un projet de taxe. D'un montant d'environ 200 euros, elle concerne ceux qui travaillent moins de six mois par an et vise à lutter, selon Alexandre Loukachenko, contre le "parasitisme social".

L'initiative a choqué une partie des 9,5 millions d'habitants de ce pays très fermé qui vient de subir deux ans d'une lourde crise économique, causée par les difficultés du partenaire russe et marquée par une chute du pouvoir d'achat.

"Je suis fatigué de chercher du travail et maintenant on me dit que je suis un parasite. Donnez-moi un travail digne de ce nom alors!" proteste Grigori Ditchkovski, qui a manifesté à Pinsk, une ville de l'ouest pas réputée pour l'esprit de contestation de ses habitants.

Des opposants brandissent à Minsk, le 15 mars 2017, un portrait tête renversée du président Alexandre Loukachenko, à l'origine d'un projet de taxe contre le "parasitisme social" des gens travaillant moins de six mois par an et suspendu d...
Des opposants brandissent à Minsk, le 15 mars 2017, un portrait tête renversée du président Alexandre Loukachenko, à l'origine d'un projet de taxe contre le "parasitisme social" des gens travaillant moins de six mois par an et suspendu d... © Sergei Gapon, AFP/Archives

Suspension de la taxe

A 50 ans, ce titulaire d'un diplôme d'ingénieur en électronique ne parvient à trouver d'emploi correspondant à sa qualification et se contente de petits boulots en Russie ou en Pologne qui lui rapportent une centaine d'euros par mois. "J'ai une famille, deux enfants, et je ne peux pas répondre à leurs besoins", déplore-t-il, interrogé par l'AFP.

Face aux critiques, le président Loukachenko a annoncé le 9 mars la suspension de la mesure controversée, mais pas sa suppression. Mais cette concession, quasi sans précédent, n'a pas suffi à mettre fin au mouvement de protestation et de nouveaux rassemblements sont prévus samedi.

"La vie devient chaque jour plus difficile, il n'y a presque pas de travail", dénonce Irina Vechtard, coprésidente du parti d'opposition Gramada, qui participe à l'organisation des manifestations. "Sans élections libres et démocratiques, aucun progrès économique n'est possible dans le pays, c'est pour cela que nous avons des revendications politiques", explique-t-elle à l'AFP.

Pour le président Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, le mouvement tombe mal. Un temps considéré par les Etats-Unis comme "le dernier dictateur d'Europe", le chef d'Etat a amorcé un dégel avec les Occidentaux depuis un an et demi.

Des policiers belarusses arrêtent des opposants au Président Lukachenko, le 19 décembre 2011 à Minsk, un an après sa réélection contestée
Des policiers belarusses arrêtent des opposants au Président Lukachenko, le 19 décembre 2011 à Minsk, un an après sa réélection contestée © VICTOR DRACHEV, AFP/Archives

Près de 200 personnes arrêtées

Alors que les relations avec Moscou, son allié traditionnel, se tendaient sur fond de crise ukrainienne, il a libéré plusieurs opposants emprisonnés lors de la répression de manifestations suivant sa réélection en 2010. L'Union européenne a en réponse suspendu les sanctions le visant.

Dans un premier temps, les autorités ont opté pour la retenue face aux protestations, autorisant même certains rassemblements. Puis ont durci le ton et près de 200 personnes ont été arrêtées, nombre d'entre elles étant condamnées à des peines atteignant 15 jours de prison.

La réaction des autorités "c'est de mettre les gens en prison"

Après avoir accusé les "services secrets occidentaux" de fomenter des troubles au Bélarus, le président Loukachenko a annoncé mardi l'arrestation plusieurs dizaines de personnes qui selon lui s'entraînaient dans des camps, pour certains à l'étranger, pour préparer des "provocations armées".

Certaines organisations de défense des droits de l'homme craignent qu'il soit prêt à sacrifier le rapprochement avec les Occidentaux pour faire taire l'opposition.

"Les autorités mettent en danger toutes les avancées obtenues en termes de politique étrangère", estime Ouladzimir Labkovitch, du centre Vyasna. "La seule manière pour les autorités de réagir, et elles s'y connaissent en la matière, c'est de mettre les gens en prison".

Valéri KALINOVSKI, Minsk (AFP), © 2017 AFP