Remis à la Cour pénale internationale, l'ex-président philippin Rodrigo Duterte dit assumer ses "responsabilités"

Le président philippin Rodrigo Duterte au palais de Malacanang à Manille, le 6 août 2018. - TED ALJIBE / AFP
Rodrigo Duterte a été remis ce mercredi 12 mars à la Cour pénale internationale à son arrivée aux Pays-Bas, a annoncé la juridiction, qui avait émis un mandat d'arrêt contre l'ancien président philippin pour crimes présumés lors de sa guerre contre la drogue.
"M. Rodrigo Roa Duterte, né le 28 mars 1945, a été remis à la Cour pénale internationale", a déclaré dans un communiqué la CPI, quelques instants après l'atterrissage de l'avion de l'ancien président à Rotterdam.
Rodrigo Duterte, 79 ans, doit désormais être conduit au centre de détention de la CPI situé dans un quartier balnéaire de La Haye, avant une première comparution qui devrait avoir lieu dans les prochains jours.
"La cour procède à un examen médical pour chaque suspect arrivant au centre de détention de la CPI et, par mesure de précaution, une assistance médicale est présente à l'aéroport lors de la remise à la cour", a précisé un porte-parole de la juridiction à des journalistes.
"J'assume mes responsabilités"
La CPI estime qu'il existe des "motifs raisonnables" de croire que Rodrigo Duterte a commis un crime contre l'humanité lors d'une campagne contre les stupéfiants qui a fait des dizaines de milliers de morts, selon les organisations de défense des droits humains. Il est ainsi poursuivi pour meurtre en tant que "co-auteur indirect".
L'ancien président philippin a dit assumer "ses responsabilités" à son arrivée aux Pays-Bas. "Je suis celui qui a dirigé les forces de l'ordre et l'armée. J'ai dit que je vous protégerai et j'assume mes responsabilités", a déclaré Rodrigo Duterte dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, alors qu'il s'apprêtait à atterrir aux Pays-Bas.
"J'ai dit à la police, à l'armée, que c'était mon travail et que j'en étais responsable", a poursuivi cet homme de 79 ans, premier ancien chef d'État asiatique à être inculpé par la CPI.
Le procureur de la juridiction, Karim Khan, a déclaré que l'exécution du mandat d'arrêt était "importante pour les victimes" et prouve que "le droit international n'est pas aussi faible que certains pourraient le penser".

S'adressant à l'AFP devant la cour, Gilbert Andres, avocat représentant les victimes de la guerre contre la drogue, a déclaré que ses clients "sont très reconnaissants envers Dieu, car leurs prières ont été exaucées".
"L'arrestation de Rodrigo Duterte est un signal fort pour la justice pénale internationale. Cela signifie que nul n'est au-dessus des lois (...) Il y aura un jour justice pour tous (...) même pour les hommes puissants comme Rodrigo Duterte", a ajouté Gilbert Andres.
Un peu plus loin, des dizaines de partisans de l'ancien président se sont rassemblés devant le centre de détention, déployant une banderole sur laquelle on pouvait lire "Nous sommes avec Duterte" et agitant des drapeaux. "Il n'y a eu aucune procédure régulière", a affirmé Duds Quibin, un soignant de 50 ans. "C'est un enlèvement. Ils l'ont juste mis dans un avion et l'ont amené ici", a-t-il ajouté.
Un transfert qualifié "d'oppression et de persécution"
Mercredi matin, les avocats de Rodrigo Duterte ont indiqué avoir déposé une requête auprès de la Cour suprême, accusant le gouvernement d'"enlèvement" et exigeant qu'il soit contraint de "le ramener".
"La CPI ne peut exercer sa compétence que si le système juridique national d'un pays ne fonctionne pas", a déclaré Me Salvador Paolo Panelo Jr. Or, le système judiciaire philippin "fonctionne correctement", selon lui.
Avant le départ de son père, l'actuelle vice-présidente Sara Duterte a déclaré qu'il était "emmené de force à La Haye", qualifiant ce transfert d'"oppression et de persécution".
"Duterte a de la chance, il bénéficie d'une procédure régulière" alors qu'"il n'y a pas eu de procès en bonne et due forme pour mon fils", a déploré Emily Soriano à propos de son fils Angelito, lors d'une conférence de presse organisée par une association locale de défense des droits de l'homme à Manille mercredi.
"Il sera couché dans un bon lit, mon fils est déjà en train de pourrir au cimetière", a-t-elle poursuivi.
Un homme encore extrêmement populaire
Cette affaire très médiatisée est la bienvenue pour la CPI, actuellement sous le coup de sanctions du président américain Donald Trump, mécontent du mandat d'arrêt émis contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour des crimes présumés commis pendant la guerre à Gaza.
À l'initiative de Rodrigo Duterte, les Philippines ont quitté en 2019 la CPI mais celle-ci a maintenu sa compétence en ce qui concerne les meurtres qui se sont produits avant ce retrait, ainsi que pour ceux commis dans la ville de Davao, à l'époque où Rodrigo Duterte en était le maire.
La CPI a déclaré dans son mandat d'arrêt qu'il existait des "motifs raisonnables de croire" qu'au moins 19 personnes avaient été assassinées à Davao par des membres de l'"Escadron de la mort de Davao", dirigé par Rodrigo Duterte.
Au moins 24 personnes ont en outre été tuées par la police philippine à divers endroits, selon ce mandat.
Dimanche, Rodrigo Duterte a traité les enquêteurs de la CPI de "fils de putes", tout en affirmant qu'il accepterait une arrestation. L'ancien président reste un homme extrêmement populaire pour de nombreuses personnes aux Philippines qui ont soutenu ses solutions rapides à la criminalité. Il reste une puissante force politique et est en lice pour retrouver son poste de maire aux élections de mi-mandat en mai.