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Asie

Pourquoi l'Indonésie est intransigeante avec le trafic de drogue

Des trafiquants de drogues escortés par la police, en janvier 2015, à Jakarta.

Des trafiquants de drogues escortés par la police, en janvier 2015, à Jakarta. - Bay Ismoyo - AFP

L'exécution, mardi, de huit condamnés à mort pour trafic de drogue, et celle, possible, du Français Serge Atlaoui, a démontré l'intolérance toute particulière de l'Indonésie vis-à-vis du trafic de stupéfiants. Pourquoi cette politique de tolérance zéro, constatée dans toute l'Asie du Sud-Est? Explications.

En Indonésie, pas question de plaisanter avec la drogue. Le pays, où sept étrangers condamnés à mort pour trafic de drogue ont été exécutés, mardi, et où le Français Serge Atlaoui est menacé, applique, comme plusieurs de ses voisins, la peine capitale pour les infractions aux stupéfiants. Ces dernières sont en effet considérées dans cette zone du monde comme les crimes les plus graves.

Ainsi, alors que, selon la législation internationale, la peine de mort ne devrait s'appliquer qu'à des crimes de sang, tels que les assassinats et les meurtres, l'Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam appliquent la peine capitale pour le trafic de drogue, voire la possession d'infimes quantités de stupéfiants.

> Une région devenue plaque tournante du trafic

La raison de cette posture radicale? L'ampleur du fléau de la drogue dans cette région, plaque tournante du commerce international de produits stupéfiants comme l'héroïne, est l'une des explications avancée pour justifier le recours à la peine capitale. Ce triste statut s'explique par une position géographique stratégique, notamment du point de vue des grandes liaisons maritimes et du tourisme.

En Indonésie, le gouvernement justifie l'application de la peine capitale dans les affaires de drogue en expliquant que ce trafic fait des centaines de morts chaque année. Une situation paradoxale, lorsque l'on sait que ce même gouvernement multiplie les initiatives pour sauver la vie des Indonésiens condamnés à mort à l'étranger.

Ainsi, dans ce pays, quelque 140 détenus sont condamnés à mort, dont environ 60 pour trafic de drogue. Parmi eux, une trentaine d'étrangers. Intransigeant sur la peine capitale pour les affaires de stupéfiants, le président Joko Widodo, arrivé au pouvoir en octobre 2014, a rejeté toutes les demandes de grâce de condamnés à mort pour trafic de drogue. Il a en revanche accepté de commuer en prison à perpétuité la condamnation à mort pour meurtre d'un Indonésien.

> Reprise des exécutions en 2013

Après un moratoire de quatre ans, de 2009 à 2012, les exécutions par arme à feu ont repris en 2013 en Indonésie, et risquent de connaître une accélération sans précédent sous la présidence de Joko Widodo.

Avant l'exécution des huit condamnés à mort pour trafic de drogue, mardi, une première vague de mises à mort avait eu lieu en janvier dernier, au cours de laquelle six condamnés pour trafic de drogue avaient été fusillés, parmi lesquels cinq étrangers.

En décembre 2014, le vice-président du pays, Jusuf Kalla, avait indiqué que les quelque 60 condamnés à la peine capitale pour trafic de drogue seraient tous exécutés, sans toutefois préciser dans quel délai. Depuis l'instauration de la peine de mort en Indonésie dans les années 1970, une soixantaine de condamnés au total ont été exécutés.

> Une situation commune à l'Asie du Sud-Est

Cette politique de tolérance zéro vis-à-vis du trafic de drogue se retrouve globalement dans de nombreux pays d'Asie du Sud-est. En Malaisie, Au moins deux détenus ont été exécutés en 2014, selon Amnesty International. Au total, plus de 900 détenus sont dans le couloir de la mort, selon le gouvernement malaisien. Plus de 70% d'entre eux ont été condamnés pour des affaires de drogue, selon Amnesty.

Même constat du côté de Singapour, où deux condamnés pour trafic de drogue, qui possédaient moins de 100 grammes de produits stupéfiants, ont été exécutés par pendaison en 2014.

Au Vietnam, quelque 70-80 prisonniers sont condamnés à mort chaque année, principalement pour trafic de drogue et meurtre. En Thaïlande, 623 détenus sont dans le couloir de la mort, en majorité pour des affaires de stupéfiants, selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). Il faut toutefois souligner que la Thaïlande n'a procédé à aucune exécution depuis 2009.

Adrienne Sigel, avec AFP