Fabrication de bombes et chansons pop: un ex-espion nord-coréen raconte

Kim Dong-Sik, ancien espion de la Corée du Nord au sud de la frontière ne veut pas montrer son visage. - -
Fabrication de bombes, arts martiaux, escalade... Rien que de très classique dans la formation de super espion qu'a enduré le Nord-Coréen Kim Dong-Sik avant d'être envoyé incognito au Sud. Mais il lui a fallu aussi mémoriser des centaines de chansons pop et de pas de danse.
Apprendre des centaines de chansons de "K-pop"
La bonne maîtrise de la culture sud-coréenne est jugée capitale pour se fondre dans la société sans se faire remarquer, raconte Kim Dong-Sik. Arrêté au Sud en 1995, l'espion a passé plusieurs années à répondre aux questions des services secrets sud-coréens, avant de rejoindre leurs rangs en tant qu'analyste.
Dans ces mémoires récemment publiées, Kim Dong-Sik dévoile les méthodes de l'agence d'espionnage nord-coréenne. A 17 ans, Kim est sélectionné, avec 200 autres jeunes, pour intégrer l'université de politique militaire de Kumsong, à Pyongyang. Cette école forme les agents destinés à infiltrer la Corée du Sud, voisin capitaliste et frère ennemi du régime communiste du Nord.
Une formation intense
Pour faire partie de cette sélection nationale, les critères sont nombreux. Par exemple: être d'une famille fidèle au régime, avoir de bons résultats scolaires et une loyauté sans faille à la dynastie au pouvoir. Et la formation est intense: fabrication d'armes et de bombes, arts martiaux, escalade, géologie, navigation maritime, code morse, sans oublier les cours d'idéologie.
Avec cette formation, les jeunes gens goûtent pour la première fois à la réalité de ce voisin, décrit par le régime comme sous-développé et esclave des Etats-Unis. Programmes télévisés, journaux, magazines, livres, informations sur les célébrités locales sont ingurgités quotidiennement.
Mais rien ne trouble les jeunes recrues. "Nous étions trop loyaux pour être ébranlés. On nous disait que seuls les très riches avaient ce train de vie, et nous le croyions", explique Kim. Les apprentis espions apprennent aussi l'accent du Sud, pour vraiment passer incognito. Il leur est interdit de sortir de l'école ou de contacter leur famille, à l'exception des cartes de vœux du Nouvel An.
"La pensée de la mort était toujours avec nous"
En cas de capture par l'ennemi, l'espion doit avaler une pilule de cyanure. "La pensée de la mort était toujours avec nous. C'était un lourd fardeau pour des jeunes de 20 ans", se souvient l'homme, aujourd'hui quinquagénaire. Plusieurs dizaines abandonnent en route mais Kim Dong-Sik persévère.
Après presque dix ans de formation, il est envoyé en mission en 1990 pour tenter de recruter des sympathisants d'extrême-gauche et de ramener Ri Son-Sil, une espionne qui dirigeait un vaste réseau au Sud.
D'espion à analyste pour la Corée du Sud
Il réussit sa mission et reçoit la médaille prestigieuse de "Héros de la République". Il repart en 1995, avec un collègue, avec pour tâche cette fois de ramener un espion, déguisé en moine, que le Nord suspecte de double jeu avec le Sud. Mais les forces de sécurité sont sur ses traces et tuent son compagnon lors d'un échange de tirs. Arrêté, Kim Dong-Sik passe quatre années aux mains des services secrets sud-coréens. Il échappe cependant à la prison. "Ils ont pensé qu'au final, avec toute mon expérience et mes informations, j'avais plus de valeur comme analyste", raconte-t-il.
Sa famille en Corée du Nord payera le prix de sa défection: ses parents ont été l'objet d'une purge, tués ou envoyés dans un camp, a-t-il appris plus tard. "Pour eux (le régime nord-coréen), j'ai échoué deux fois: avec la mission, et en ne me tuant pas après la capture", déclare Kim Dong-Sik.
En Corée du Sud, il démarre une nouvelle vie. Il passe un doctorat sur la stratégie d'espionnage nord-coréenne, se marie et a deux fils. "J'ai appris à apprécier une vie ordinaire et tranquille". Il refuse toujours de se laisser photographier de face et dit avoir écrit ce livre pour ses fils, "afin qu'ils puissent un jour comprendre mon passé".