Le Québec adopte une loi controversée contre le voile intégral

Une femme portant le voile intégral. (illustration) - Philippe Huguen - AFP
Le projet de "loi 62" crée une vive polémique au Québec. Adoptée mercredi 18 octobre après deux ans de "tergiversations" selon La Presse, elle interdit le voile intégral pour les prestations de services publics, notamment dans les hôpitaux et dans les transports en commun. Alors qu'en France, une mesure d'interdiction plus générale encore est en vigueur depuis 2011, le débat outre-Atlantique ne semble pas prêt de s'arrêter. On peut même affirmer que l'adoption du texte censé trancher la question a ravivé la polémique.
La loi dite de neutralité religieuse permet en outre des "accommodements raisonnables" qui seront traités au cas par cas, a expliqué le Premier ministre de la Belle Province, Philippe Couillard. Stéphanie Vallée, ministre de la Justice précise que "l'obligation du visage découvert est pour la durée de la prestation de service, pas seulement pour la femme voilée, mais pensons aussi à ceux qui ont le visage couvert (...) par des cagoules ou des verres fumés".
La précision a cependant échoué à éteindre la controverse, puisque très concrètement les femmes portant voiles intégrales devront l'enlever pendant leur trajet en bus.
"Impact énorme dans nos vies"
Dans une tribune mise en ligne sur le site du Huffington Post Québec, une convertie s'insurge: "La loi 62 va faire de moi une prisonnière." "Même si cette loi ne va affecter qu’un petit nombre de citoyennes, son impact sera énorme dans nos vies", continue cette musulmane.
La presse canadienne fustige pour une bonne part ce projet de loi. Le Globe and Mail y voit "une attaque directe contre la liberté religieuse" qui "promet d'exposer [cette minorité] à la discrimination publique et à l'abus". Bien qu'il s'agisse d'une loi locale, le National Post met en avant la "condamnation" de cette loi 62 par les politiques de l'Ontario qui la jugent contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.
Du côté des officiels, le ton n'est guère plus favorable. Denis Coderre, le maire de Montréal expose dans La Presse son scepticisme quant à l'applicabilité d'une telle loi. S'il pense que ceux qui prodiguent un service public doivent effectivement le faire à visage découvert, il doute que la réciproque, pour ceux qui reçoivent ce même service soit nécessaire. "Ça va permettre à des chauffeurs d'autobus ou des libraires de dire qu'on ne peut pas vous donner de service parce qu'une dame aurait le visage couvert", s'indigne-t-il.
Au sommet de l'Etat fédéral, le Premier ministre Justin Trudeau dont les propos sont rapportés dans La Presse, se dit opposé au texte, mais ne compte pas agir contre. "Ce n'est pas au fédéral de faire une contestation", car cela appartient selon lui "aux citoyens". "On va regarder comment ça va se dérouler, en tout respect de l'Assemblée nationale, a dit le Premier ministre. Mais en même temps je vais toujours être là pour défendre les droits et libertés."