BFMTV
International

Afflux massif de clandestins tunisiens en Italie

Ces six derniers jours, plus de 5 000 immigrants clandestins ont débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, à 138 km des côtes tunisiennes.

Ces six derniers jours, plus de 5 000 immigrants clandestins ont débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, à 138 km des côtes tunisiennes. - -

Pauvreté, "overdose de liberté", relâchement dans le contrôle des frontières… En moins d’une semaine, plus de 5000 clandestins tunisiens sont arrivés sur la petite ile italienne de Lempedusa. Reportage à leur départ, sur la côte tunisienne, où les pêcheurs témoignent.

Alors que la Tunisie fête ce lundi son premier mois sans Ben Ali, l'Italie demande l'aide de l'Europe pour faire face aux flux de migrants tunisiens. Ces six derniers jours, plus de 5 000 immigrants clandestins ont débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, à 138 km des côtes tunisiennes. C'est une des conséquences de la révolution du Jasmin qui a renversé le mois dernier le régime de Ben Ali en Tunisie.
Face à cette arrivée massive de clandestins, le gouvernement italien se dit débordé. Il a instauré l'Etat d'urgence humanitaire et réclame l'intervention de l'Union Européenne. Hier dimanche soir, le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, a annoncé qu'il allait demander le déploiement de policiers italiens en Tunisie pour contenir l'immigration clandestine.

Pour tenter de comprendre pourquoi les Tunisiens tentent en masse de quitter leur pays, direction le Port de la Goulette, à quelques kilomètres de Tunis. De là sont partis ces derniers jours des bateaux de fortune remplis de candidats à l’immigration clandestine. D’ici, l’Italie n’est qu’à 7 ou 8 heures de bateau par temps calme.

« C’est encore la pagaille et tout le monde en profite »

Principale explication de cet afflux de clandestins vers l’Italie : la pauvreté, toujours criante en Tunisie. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la seule raison. Il y a aussi la "discrétion" de la police : sur terre comme sur mer, il n’y a quasiment plus de contrôle, regrettent les pêcheurs sur place : « Il n’y en a pas ! On travaille en mer et on ne voit plus de contrôle. C’est encore la pagaille ici ; il n’y a pas de changement, de toute façon la Tunisie va mal, avec ou sans Ben Ali. Aujourd’hui, tout le monde en profite. »

Comme les autres pêcheurs de la Goulette depuis quelques jours, Mohammed protège son bateau de nuit, de peur qu’un passeur lui vole : « Ils peuvent entasser 50, voire 70 personnes dans des bateaux de seulement 11 mètres. Les passeurs fixent les prix : environ 1000 euros la traversée ; s’ils récoltent 7000 euros, ils gardent 5000 et donnent 2000 au capitaine. »

« Parmi eux, il y a des prisonniers qui se sont évadés… »

Ahmed, un jeune pêcheur du Port de la Goulette, ajoute qu’aujourd’hui il n’y a pas que des pauvres, des chômeurs tunisiens, qui essaient de gagner l’Europe : « Parmi eux, il y a des prisonniers qui se sont évadés des prisons de Média, de Monastir, des gens condamnés à 20 ans de prison ; ils mélangent aux chômeurs qui veulent partir ; ils payent leur place et puis ils partent. »

« Bien enfermer cette révolution, pour ne pas la perdre »

Autre facteur qui explique cet afflux de migrants : la liberté. Beaucoup de Tunisiens le disent : le pays fait aujourd’hui « une overdose de liberté » ; certains ne savent pas ce qu’elle signifie parce qu’on ne leur a jamais appris. Résultat : ils pensent que tout est possible, comme par exemple gagner l’Europe sans difficulté.
« Y’en a qui font n’importe quoi, lance Lotfi, un habitant de Kasserine, dans le centre du pays. Parce qu’ils ne comprennent pas ce que c’est la liberté. C’est pas parce que je suis libre que je vais faire tout ce que je veux. Il faut se respecter et respecter la loi. » Et quand on lui demande si cela signifie qu’ils ont perdu cette révolution, il répond sans hésitation : « Non, on ne l’a pas perdue, c’est un acquis ! Mais il faut faire attention à cette révolution, bien l’enfermer pour ne pas la perdre. »

La Rédaction, avec Céline Martelet