A Alep, "les rebelles n'ont plus de munitions" selon Mathieu Guidère

Les accords pris par le conseil de sécurité de l'ONU, notamment sur l'évacuation des civils, servent-ils à quelque chose?
"Il faut distinguer les accords qui se font dans les chambres de l'ONU avec la réalité sur le terrain. L'ONU n'a aucune prise sur le terrain aujourd'hui. Il n'y a aucune garantie que les civils puissent sortir. On sait que ces populations sont abandonnées. C'est une situation dramatique, terrifiante, que l'on ne souhaite à aucune ville dans le monde. Il faut prendre acte de ces massacres très graves.
Le bilan de la diplomatie française n'est vraiment pas fameux. On a raté le positionnement centriste. Jusque-là il y avait les deux superpuissances qui pouvaient faire des choses et la position française était toujours de prendre un veto et de s'opposer. Si on n'était pas engagé dans une guerre kafkaïenne, elle est vraiment ubuesque, cette guerre, on aurait pu faire un veto et s'élever massivement contre les Russes, s'élever également contre les Américains quand il le faut, prendre notre position de défenseur des droits de l'Homme, défenseur des civils. On ne peut plus le faire aujourd'hui car on est un acteur minoritaire dans un conflit qui nous dépasse complètement, sur lequel on ne peut pas influer mais dans lequel on ne peut pas avoir une position de neutralité".
Est-ce que la résistance à Alep-Est est terminée?
"Lorsque le président élu Donald Trump a annoncé qu'il s'alignerait sur la position russe immédiatement, comme il est le chef de l'Alliance atlantique, la quasi-totalité de l'Alliance atlantique a cessé la livraison d'armes et de munitions à l'opposition armée. De l'autre côté, les alliés de cette alliance, c'est-à-dire les pays arabes et musulmans, ont cessé également. Or, jusque-là l'opposition tenait parfaitement Alep. Mais pour tenir, il faut des armes et des munitions, surtout des munitions.
Pour vous donner un exemple, pour tenir un quartier d'Alep juste une semaine il vous faut entre 10.000 et 15.000 cartouches. Il faut donc nourrir systématiquement le conflit, ce qui a été fait. Jusque là, ce sont les pays de la région qui ont servi de relais pour donner les munitions. Or, depuis l'élection de Trump, la realpolitik a repris ses droits. La quasi-totalité des soutiens de l'opposition se sont retirés, ce qui fait qu'ils n'ont plus de munitions en fait.
Ce front était stabilisé depuis 2012. Il était stabilisé car les deux parties prenantes du conflit étaient fournies en munitions et armes. Or, le lâchage de cette opposition fait que tout s'effondre d'un coup. Ça se fait de façon terrifiante. Les forces spéciales des deux côtés pointent un monument ou un bâtiment, les avions arrivent et tapent sur le bâtiment, il s'écroule et ils avancent. C'est une sorte de bulldozer. Les civils sont massacrés. Il n'y a plus de solution car il n'y a plus ni armes ni munitions".
Le régime de Bachar al-Assad a-t-il gagné cette guerre?