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19 morts, Parlement brûlé, démission du Premier ministre... Pourquoi le Népal est en proie à de violentes manifestations

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De violentes émeutes dénonçant la décision du gouvernement de bloquer les réseaux sociaux et la corruption des élites ont éclaté dans les rues du Népal depuis lundi 8 septembre, notamment dans la capitale. Au moins 19 morts et plus de 400 blessés ont été recensés.

Situation chaotique au Népal. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté depuis lundi 8 septembre dans le pays et notamment dans la capitale à Katmandou, après que les autorités ont décidé de bloquer la plupart des plateformes de médias sociaux et la corruption du pays.

Après des mobilisations meurtrières contre le blocage des réseaux sociaux, le Premier ministre népalais KP Sharma Oli a décidé de démissionner mardi 9 septembre. Des centaines de manifestants ont mis le feu au Parlement avant que l'armée n'annonce avoir repris le contrôle de la capitale Katmandou ce mercredi 10 septembre.

• Des manifestations pour lever le blocage des réseaux sociaux et dénoncer la corruption des élites

Lundi, la police a ouvert le feu sur des milliers de manifestants qui défilaient dans les rues de Katmandou contre la corruption des élites du pays. Ces derniers réclamaient également la levée du blocage des réseaux sociaux décidée jeudi dernier en application d'un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême.

26 plateformes en ligne, dont Facebook, Youtube, X et Linkedin, qui ne s'étaient pas enregistrées auprès des autorités dans les délais avaient ainsi été bloquées jeudi dernier, provoquant la colère et la frustration de millions de leurs usagers.

• Au moins 19 personnes tuées dans la répression

Le domicile du Premier ministre, âgé de 73 ans, a été incendié par les émeutiers, selon un photographe. Au moins 19 personnes ont été tuées pendant ces heurts, dont 17 dans la seule capitale, et plus de 400 blessés ont été recensés, selon un bilan officiel.

L'armée népalaise patrouille dans les rues de Katmandou, au Népal, le 10 septembre 2025, à la suite de violentes manifestations qui ont détruit d'importants bâtiments gouvernementaux.
L'armée népalaise patrouille dans les rues de Katmandou, au Népal, le 10 septembre 2025, à la suite de violentes manifestations qui ont détruit d'importants bâtiments gouvernementaux. © DIPEN SHRESTHA / ANADOLU / Anadolu via AFP

Dans la soirée, le chef du gouvernement a ainsi ordonné le rétablissement des réseaux sociaux et l'ouverture d'une enquête "indépendante" sur les conditions de l'intervention de la police. De son côté, l'ONG Amnesty International a également demandé "une enquête complète, indépendante et impartiale" sur les actions de la police.

• Démission inédite du Premier ministre du Népal

Face à la colère de la rue, le chef du gouvernement a annoncé mardi en début d'après-midi sa démission "afin que des mesures puissent être prises en vue d'une solution politique", a-t-il écrit dans une lettre au président népalais. Chef du Parti communiste népalais, KP Sharma Oli était présent depuis plus de 60 ans dans la vie politique népalaise, marquée notamment par la longue guerre civile qui a ensanglanté le pays jusqu'à l'abolition de la monarchie en 2008.

Élu pour la première fois Premier ministre en 2015, il a été réélu en 2018, renommé brièvement à la tête du gouvernement en 2021, puis réinvesti en 2024 à la tête d'une coalition parlementaire incluant notamment le centre droit. Sa démission est intervenue après celles de trois autres ministres, dont celui de l'Intérieur.

Des centaines de manifestants en colère ont incendié le Parlement népalais après sa démission mardi.

• Les bâtiments publics et résidences des politiques ciblés

Après les premières manifestations, les autorités locales ont instauré un couvre-feu dans plusieurs districts de la vallée de Katmandou. Malgré la mise en place de ce dispositif, des groupes de jeunes manifestants sont descendus dans les rues de la capitale et s'en sont pris toute la journée aux bâtiments publics et aux résidences de dirigeants politiques.

Des protestataires, principalement de jeunes hommes, ont été vus brandissant le drapeau national tout en tentant d'échapper aux canons à eau déployés par les forces de sécurité.

Des manifestants ont ciblé les biens de politiciens et des bâtiments gouvernementaux, tandis qu'une vidéo publiée en ligne semble montrer des manifestants frappant l'ancien Premier ministre Sher Bahadur Deuba du Congrès népalais, un soutien du gouvernement de l'ancien Premier ministre. La manière dont la situation va évoluer dans les prochains jours demeure incertaine.

• Les réseaux sociaux réactivés après 5 jours de blocage

Après cinq jours de coupure, les principaux réseaux sociaux du pays ont retrouvé un fonctionnement normal mardi matin. Le ministre de la Communication Prithvi Subba Gurung a confirmé que le gouvernement avait décidé de lever le blocage décrété la semaine précédente.

• Volker Türk "consterné par l'escalade de la violence"

Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s'est dit "consterné par l'escalade de la violence" et a appelé au dialogue.

"Nous appelons les autorités à respecter et à garantir les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'expression", a déclaré la porte-parole du bureau des droits de l’Homme de l’ONU, Ravina Shamdasani.

"Les parties prenantes doivent se réunir pour trouver une issue à la crise. Le Parlement reste", a commenté Shushila Karki, l'ancienne cheffe de la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. Le nom de cette magistrate, âgée de 73 ans, est par ailleurs cité pour diriger la transition qui s'annonce.

"Soyez prêts (...) à prendre les rênes du pays", a lancé sur Facebook le maire de Katmandou depuis 2022, et également présenté comme une des personnalités appelées à un avenir national.

Dans un communiqué, le président Ramchandra Paudel a exhorté "tout le monde, y compris les manifestants, à coopérer pour une résolution pacifique de la situation difficile du pays" et "lancé un appel à toutes les parties pour qu'elles fassent preuve de retenue (..) et qu'elles entament des négociations".

Ilyana Hamiti avec AFP