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Pourquoi la surchauffe de la Méditerranée fait craindre des phénomènes climatiques intenses à l'automne

Une voiture emportée par les flots à Lodève (Hérault), le 13 septembre 2015.

Une voiture emportée par les flots à Lodève (Hérault), le 13 septembre 2015. - PASCAL GUYOT / AFP

Les prévisionnistes craignent que les "épisodes méditerranéens", liés à l'évaporation de l'eau quand l'atmosphère se refroidit, soient beaucoup plus nombreux cette année.

Dimanche matin, la place de la Comédie à Montpellier, dans l'Hérault, était traversée par un torrent de boue miniature, en lien avec les fortes précipitations qui se sont abattues sur la ville. Un avant-goût de ce qui attend le sud de la France à l'automne?

C'est du moins ce que craignent les météorologues. En cause, la surchauffe de la mer Méditerranée, dont la température dépasse depuis la fin du mois de juillet les 30°C. Le 24 juillet, un pic à 30,7°C a même été observé sur la côte est de la Corse. Des températures 4 à 6°C supérieures aux normales de saison, et qui pourraient, une fois que l'atmosphère se refroidira, entraîner de violentes précipitations.

"Plus l'eau est chaude, plus ce type d'épisode risque d'être violent"

Cette hausse de la température de l'eau s'explique par des conditions météorologiques favorables. L'enchaînement des canicules et l'absence de vent empêchent le brassage de la mer.

"L'été, il y a une couche d'eau chaude superficielle qui se forme, et s'il n'y a pas de vent, cette couche va progresser en profondeur et on peut atteindre des températures bien supérieures à 13°C (température à laquelle vivent les organismes marins à 20 mètres des côtes, NDLR) à 20, 30 ou 40 mètres de profondeur", expliquait le mois dernier sur BFMTV Thierry Thibaut, professeur d'écologie marine à l'Institut méditerranéen d'océanologie.

Des conditions marines qui favorisent l'apparition de violentes perturbations. "On a l'habitude de voir des orages plus ou moins violents au moins de septembre dans le Sud de la France. C'est le cas des épisodes cévenols. On compte ainsi habituellement une dizaine de tempêtes par an en Méditerranée. Mais plus l'eau est chaude, plus ce type d'épisode risque d'être violent", explique dans les colonnes du Figaro Caroline Jane Muller, chercheuse au CNRS en détachement en Autriche.

Car comme le souligne Météo France, les épisodes méditerranéens, parfois appelés "cévenols", sont liés à "des remontées d'air chaud, humide et instable en provenance de Méditerranée qui peuvent générer des orages violents".

"Ils se produisent de façon privilégiée en automne, moment où la mer est la plus chaude, ce qui favorise une forte évaporation", continue l'organisme de prévisions.

Ces orages peuvent se déclencher de deux manières. Lorsque la masse d'air chaude et humide vient à la rencontre d'une barrière montagneuse: en montant en altitude, elle va se refroidir et se transformer en précipitations. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les Cévennes.

Ou alors quand cette masse d'air chaud vient à la rencontre d'une vaste bulle d'air froid. De nombreux épisodes méditerranéens ont déjà été observés par le passé, notamment en 2015 où 20 personnes ont péri dans les inondations entre Mandelieu et Nice.

La crainte d'ouragans méditerranéens

Les températures actuelles de la mer Méditerranée, qui vont indéniablement augmenter la masse d'air chaud qui s'en dégagera à l'automne, inquiètent les prévisionnistes.

"Le risque est très élevé cette année. Car d’un point de vue physique, l’énergie de ces tempêtes est liée à l’évaporation à la surface de la mer. Plus l’eau est chaude, plus cette énergie est élevée", met en garde Caroline Jane Muller.

La chercheuse évoque d'ailleurs la possibilité de voir émerger des "medicane", un terme composé du mot anglais "hurricane", qui signifie ouragan, et "Méditerranée". En 2018, le météorologue François Gourand expliquait que "ces dépressions sont de plus petites tailles que celles qui forment les ouragans, et elles sont de faible durée, avec des intensités de vent qui n'atteignent que rarement la force d'un ouragan catégorie 1 dans les cas les plus sévères".

"La différence est que le cœur des tempêtes tropicales est chaud, quand celui des medicanes peut être froid", abonde Caroline Jane Muller, d'où leur possible survenue à l'automne.

"Dès la rentrée, nous risquons d'avoir des inondations assez importantes", a mis en garde sur Franceinfo Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers.

En attendant l'automne, les orages doivent déjà imposer leur tempo cette semaine. Dimanche, Météo France avait placé sept départements en vigilance orange. Et dès ce mardi, les perturbations orageuses, potentiellement violentes, doivent faire leur retour dans le pays, notamment dans l'Hérault, le Var, les Bouches-du-Rhône et l'Ardèche.

Jules Fresard