Enfants exposés au radon chez leur nounou: quels sont les risques?

Un technicien de la CRIIRAD mesure le taux de radiation gamma dans une maison à Gif-sur-Yvette construite sur des déchets radioactifs et présentant de fortes accumulations de radon. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE
La maison de la nounou était infestée au radon. Ce gaz radioactif né de la décomposition de l'uranium présente de réels dangers pour les personnes qui y sont exposées de manière prolongée. Dans le cas de Bessines-sur-Gartempe, au nord de Limoges, les potentielles victimes sont des enfants. Une vingtaine, issus de seize familles, ont été laissés en garderie dans l'habitation concernée, de 2000 à 2014.
Depuis, la famille d'accueil a été relogée et une enquête a été confiée à l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire. Ce cas particulier est inquiétant. Mais faut-il avoir peur du radon et comment peut-on savoir si sa maison est contaminée? Eléments de réponses avec Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, responsable du laboratoire du CRIIRAD, la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité.
> Que risquent les personnes qui ont été exposées au radon?
Le radon, explique l'ingénieur, est un "cancérigène certain". Il constitue la "deuxième cause du cancer du poumon au niveau mondial après le tabac". Pire, il n'existe "pas de seuil d'innocuité", autrement dit pas de seuil d'exposition tolérable. C'est en quelque sorte mécanique: "plus vous respirez, de radon plus le risque augmente", rappelle Bruno Chareyron.
Quant à déterminer, dans ce cas d'espèce, le risque qu'a fait courir ce bâtiment aux enfants exposés, cela reste "impossible à dire sans connaître les résultats des mesures de concentration du gaz". Mais ajoute le spécialiste: "Le risque sanitaire devait être très élevé, car il est relativement rare que l'autorité préfectorale ordonne ainsi un relogement."
> Comment le radon pénètre-t-il dans les habitations?
Ce gaz "fabriqué en permanence par l'uranium" est "extrêmement mobile", précise l'ingénieur. Même au cas où une dalle de béton sépare le sous-sol contaminé, le radon "va passer par les porosités de la dalle en béton et plus encore quand celle-ci va vieillir, par les micro-craquelures", tandis que "les passages de tuyauterie sont d'autres voies de pénétration" du gaz. En clair, il ne faut absolument pas bâtir dans ces zones-là.
Dans les habitations "mal ventilées, le gaz peut s'accumuler à des taux de concentrations extrêmement élevés", indique le physicien. Il souligne aussi que la CRIIRAD informe sur les risques liés au radon depuis 1988 et déplore: "Aujourd'hui, des mesures de taux de radon sont obligatoires pour les bâtiments recevant du public dans certains de ces départements, mais cette obligation devrait aussi concerner l'habitat, où l'on passe plus de temps que dans une école."
Au gaz lui-même, il faut aussi ajouter les rayons gamma émis par l'uranium et ses descendants. Difficile de s'en protéger, car ceux-ci passent à travers les murs.
> Peut-on déterminer soi-même si son logement est affecté par le radon?
Le chef du laboratoire de la CRIIRAD rappelle que l'organisme met "à disposition" des compteurs Geiger, "qui ne mesure pas la concentration de radon, mais les radiations émises par les déchets". Quant au radon proprement dit, "une mesure coûte 30 à 40 euros, mais il faut respecter une méthodologie pour savoir quels points il faut contrôler dans une maison".
> Comment se fait-il que ces maisons aient été construites sur des sites aussi dangereux?
Le spécialiste distingue deux types de contamination au radon. D'une part, certaines régions sont touchées par des concentrations naturelles dues à leur socle granitique. Ainsi, "le Massif Central, la Bretagne, une partie de la Corse qui possèdent les risques d'émanations de radon les plus importants".
D'autre part, il existe une pollution résultant de l'exploitation de "plus de 200 mines d'uranium" désaffectées, comme dans le cas de la maison de la nounou. "La période (NDLR: temps que met la moitié des atomes d'un isotope radioactif pour se désintégrer naturellement) de l'uranium est de 4,5 milliards d'années. Cela signifie que les déchets qui ont été dispersés et réutilisés autour des mines vont continuer d'irradier les populations pendant des décennies, des milliers d'années et même des millions d'années."
La responsabilité dans cette affaire est quant à elle double, à la fois "industrielle et étatique". "A cette époque, la Cogema (NDLR: ancêtre d'Areva) et l'Etat ont fait un travail scandaleux. Ces déchets radioactifs n'ont pas été gérés de manière adéquate. La CRIIRAD se bat depuis 20 ans pour faire reconnaître ces faits et faire évoluer la réglementation", martèle Bruno Chareyron. Beaucoup de cas comparables à celui de Bessines-sur-Gartempe subsistent en France, et souvent sans aucun relogement à la clef.