"Le Signal", symbole d'un littoral français rongé par la montée des eaux

L'immeuble "Le Signal" à Soulac-sur-Mer va prochainement faire le grand plongeon. A moins qu'il ne soit démantelé avant. - JEAN-PIERRE MULLER / AFP
Quel point commun entre Luçon, en Vendée, Dieppe, en Seine-Maritime et Soulac, en Gironde? Dans ces trois communes métropolitaines, comme dans tant d'autres, la niveau de l'eau monte inexorablement, menaçant les habitations. Dans un diaporama accompagné de cartes interactives, au printemps 2016, nous vous parlions déjà des dommages qui pourraient être faits à nos côtes. Les estimations du Giec (groupe d'experts sur le climat de l'ONU), dans son cinquième Rapport d'évaluation de 2014, tablaient sur une augmentation du niveau de l'ordre de 1 mètre d'ici à 2100. Dans l'hypothèse où les émissions de gaz à effet de serre continuaient à croître au rythme actuel.
Soulac-sur-Mer avec sa barre d'habitations "le Signal" est emblématique de cette lutte d'avance perdue contre la montée des eaux. Edifié à 200 mètres du trait de côte - soit la limite que les eaux pouvaient atteindre - en 1967, l'immeuble de quatre étages évacué en 2014 n'est plus qu'à 9 mètres de la mer, faisait remarquer en juillet dernier Reporterre.net. Problème, notait encore lundi Le Monde, les propriétaires attendent toujours d'être indemnisés alors qu'il n'avait eu qu'une semaine pour "déguerpir" face à un péril imminent. L'affaire est maintenant entre les mains du Conseil d'Etat qui a trois mois pour trancher.
Plus on tarde à réagir, plus les conséquences seront graves
Ce cas, dramatique pour les propriétaires des 78 appartements, ne change rien à la situation générale. Une étude parue dans la revue Nature en cette fin février se projette quant à elle jusqu'en 2300. Elle fait état d'un constat assez décourageant: "Nous estimons le niveau d'élévation moyen des mers entre 0,7 et 1,2 m si l'on maintient zéro émission nette de gaz à effet de serre jusqu'en 2300," expliquent les auteurs. Ce "zéro émission nette" recouvre la notion de neutralité carbone, autrement dit le cas - qui n'est pour l'heure qu'un vœu pieu - dans lequel les rejets de CO2 sont absorbés par les puits de carbone.
Alors pourquoi consentir à un effort, déjà considérable et pratiquement inaccessible, si le niveau continue à monter? Parce qu'en l'absence de réaction de notre part, les conséquences risquent d'être cataclysmiques, expliquent en substance les chercheurs. L'objectif établi lors de la Cop 21, de maintenir l'augmentation de la température globale en dessous des 2° Celsius, ne semblent devoir d'être qu'une victoire d'étape.
"La stabilisation de (l'augmentation, ndlr) de la température au-dessous des 2°C est insuffisante pour maintenir le niveau moyen d'élévation des mers jusqu'en 2300 au-dessous d'1,5 m. (...) Le niveau des mers continuera à monter jusqu'à 2300 et au-delà même pour des scénarios qui atteignent le zéro émission de gaz à effet de serre dans la seconde moitié du 21e siècle."
Le but, plus lointain, mais à garder en perspective, est bien la neutralité carbone. Et plus on tardera à l'atteindre, plus la montée des eaux ira crescendo. "Nos résultats soulignent l'importance d'une réduction à court terme pour limiter les risques à long terme d'élévation du niveau des mers", préviennent les scientifiques.
Des milliers de déplacés à venir
Gardons le meilleur pour la fin, les autres effets présumés du réchauffements climatiques, multiplication des tempêtes qui érodent à grandes lampées les côtes françaises, ne sont à ce stade du raisonnement pas pris en compte. Ceux qui ont dû affronter les vents violents de la tempête Carmen, en Gironde, peuvent en témoigner.
Selon le rapport de décembre 2016 de l'Observatoire de la Côte aquitaine (OCA) épluché par Reporterre.net, "l’océan avancerait sur le continent de 2,5 m par an en Gironde, et de 1,7 m dans les Landes". Et en cas "de grosse tempête, le recul serait de l'ordre de 20 mètres d'un seul coup".
"À l’horizon 2025, la superficie du littoral exposé à l’aléa d’érosion sur la côte sableuse s’élève à 10,9 km², soit près de 991 terrains de football. En 2050, 20,6 km² de littoral sableux seraient concernés, soit l’équivalent de 1.873 terrains de football", relève encore ledit rapport de l'OCA.
On imagine le nombre d'expropriés qui vont, pour s'être installé trop près du bord, devoir déménager. Rappelons qu'au niveau mondial quelque 40% de la population vit à proximité de la mer ou de l'océan. Impossible de ne pas évoquer le plus tragique, à savoir les submersions marines. En 2010, la tempête Xynthia avait fait, dans la nuit du 27 au 28 février, 47 morts, dont 29 dans la commune au nom prédestiné de La-Faute-sur-Mer.