"Ce n'est plus raisonnable": face à la sécheresse, les douches de plage sont-elles vouées à disparaître?

Le petit plaisir de la douche sur la plage après une baignade en mer est-il un luxe voué à disparaître? Chaque année, les stations balnéaires sont de plus en plus nombreuses à se séparer de leurs douches de plages, en raison de la sécheresse et de la sensibilisation croissante aux enjeux climatiques. D'autres, encore, se tournent vers des alternatives pour faire des économies d'eau.
À cause de la sécheresse, cette année encore, des restrictions d'eau ont été imposées dans de nombreuses communes littorales placées en alerte renforcée à la sécheresse. Ainsi dans certaines villes du Var par exemple, l'eau des douches de plage a tout bonnement été coupée pour économiser l'eau.
"C'est un peu embêtant", "après le bain j'aime bien me rincer, enlever un peu le sel avant d'aller au restaurant", soufflent un peu au micro de BFM Var quelques adeptes des douches à l'eau douce après la baignade en eau salée.
"Mais s'il faut le faire, on s'y pliera. Je le ferai à la maison, tant pis", tempèrent-ils.
"Ça n'était plus raisonnable"
À Palavas-les-Flots (Hérault), la municipalité a troqué depuis 2019 ses traditionnelles douches installées sur le front de mer pour une quinzaine de pédiluves, uniquement pour le lavage des pieds.
"Certaines personnes ont un peu râlé au début, mais ils s'y sont vite fait", rapporte à BFMTV.com David Raynal, adjoint au maire.
"Il y a toujours un service minimum qui est assuré, ça dépanne, ça permet de s'hydrater si nécessaire mais c'est beaucoup moins gourmand en eau". Selon lui, les pédiluves permettent à la commune d'économiser 40% d'eau par rapport aux douches.
Pornic, les Sables-d'Olonne, le Grau-du-Roi, Argelès-sur-Mer... Plusieurs communes se sont tour à tour débarrassées de leurs douches de plage ces dernières années. Le maire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée) avait franchi le pas un peu plus tôt, en 2016. "À l'époque on s'est rendu compte que 5 millions de litres par an (5000 mètres cube) partaient en douche. On s'est dit que balancer des millions de litres d'eau potable dans la nature, ce n'était plus raisonnable et que ça n'était plus possible. Alors on a mis fin à la chose et ça s'est très bien passé", explique à BFMTV.com François Blanchet.
"Ça a été très bien accepté. Aujourd'hui les gens sont pleinement conscients des enjeux environnementaux qu'il y a derrière", défend l'élu. "Désormais ils prennent leur douche chez eux, c'est juste une question d'adaptation".
Des problèmes de pollution des sols
"Chez nous aussi, ça a été extrêmement bien reçu", juge Marc Medina, maire de Torreilles (Pyrénées-Orientales), première station du littoral catalan à abandonner ses douches de plages à l'été 2018. "À ce moment-là on était en période de sécheresse et on trouvait tout-à-fait inopportun de continuer à les faire fonctionner alors qu'en même temps on demandait à la population de faire des efforts sur leur consommation d'eau personnelle. C'était aussi symbolique, pour marquer le coup".
"À Torreilles, on avait une dizaine de douches le long des plages. On économise désormais 130 mètres cubes d'eau par an, ce qui équivaut à la consommation annuelle d'une famille de 3-4 personnes, à la consommation de la halle des sports de la ville. Ce n'est pas neutre".
"Je pense que le problème ne vient pas tant du volume d'eau utilisé que de la pollution produite par ces douches, notamment lorsqu'elles ne sont pas raccordées au réseau d'assainissement", explique à BFMTV.com Emmanuel Soncourt, hydrogéologue et spécialiste de la gestion et des ressources en eau.

"Les shampoings, après-shampoings et autres crèmes solaires s'évacuent alors dans le sable, ce qui peut polluer les nappes phréatiques et nuire à la qualité de l'eau".
Marc Medina, le maire de Torreilles, explique que le non-respect des consignes de douche est aussi une des raisons qui l'ont poussé à prendre cette décision. "L'objectif était de faire des économies d'eau parce que nous sommes dans une zone où les nappes phréatiques sont particulièrement sous tension, mais aussi lutter contre les effluves qui polluent les sols".
"Il y a une préoccupation générale"
À Saint-Cyr-sur-Mer, ces mesures ne sont pas envisagées car la commune n'est pas en alerte, précise le maire Philippe Barthélémy. "Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de préoccupation générale", lance-t-il à notre micro. "Quelle que soit la situation, l'eau est un bien rare. Donc si on va à la plage et qu'on ne s'y douche pas, on en prend conscience et quand on rentre chez soi, on coupe l'eau quand on se lave les dents".
Le label de qualité Pavillon Bleu qui recense les plages mettant en oeuvre "une politique de développement touristique respectueuse de l’environnement", incite les communes à "largement supprimer les douches des plages".
Auprès de BFMTV.com, un porte-parole du label a détaillé quelques pistes aux communes souhaitant s'impliquer sur ce front: "à celles qui souhaitent garder un dispositif de rinçage, nous leur recommandons de remplacer les douches par des rinces-pieds ou des robinets. Quant à celles qui souhaitent conserver des douches, il existe des dispositifs de réduction des débits. Elles peuvent aussi veiller à un bon contrôle des fuites et des messages de sensibilisation à la réduction de la consommation d'eau et à la non-utilisation de produits lavants peuvent également être affichés pour sensibiliser les usagers. Enfin, il est primordial que tout système de rinçage soit raccordé à un système de traitement et de récupération des eaux usées pour éviter tout rejet directement dans le milieu naturel".