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« Une relation particulière avec la mort »

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Isabelle Mercier raconte ce qu'est la vie d'un joueur professionnel de poker. De la découverte des cartes aux gains en passant par les heures de jeu à la table.

J-J B : Comment avez-vous découvert le poker ?
I M : Mon père et mes oncles, quand j'étais toute petite, m'ont appris. C'est quelque chose que l'on fait beaucoup en Amérique de jouer aux cartes en famille et particulièrement au poker. J'ai donc commencé à jouer quand j'avais trois ou quatre ans, et j'ai joué toute ma vie, ça a été une passion depuis une vingtaine d'années.

J-J B : Vous avez fait des études ?
I M : J'ai fait des études de droit. Je l'ai pratiqué pendant six mois, ça ne m'a pas plu du tout mais je ne me dirigeais pas vers une carrière de droit, c'est juste qu'à l'époque je ne savais pas qu'on pouvait jouer au poker dans les casinos. Tous mes amis sont allés à l'université donc je les ai suivis, j'ai pensé que le droit était une formation très complète, ça l'a été, ça ne m'a pas nui mais je ne suis pas restée dans le milieu.

J-J B : Vous êtes alors retournée vers les cartes et vous avez commencé à travailler dans les casinos ?
I M : J'ai commencé au Casino de Montréal, quand je faisais mes études de droit, et après je suis arrivée ici à Paris et j'ai commencé à travailler sur les Champs-Élysées, à l'Aviation Club de France ou la j'ai vraiment découvert le Texas holdem no limit pour la première fois.

J-J B : C'est le poker sept cartes, cinq découvertes et deux cachées ?
I M : Voilà, mais on fait toujours un jeu de cinq cartes. Donc c'est à Paris que j'ai découvert ça, j'ai géré un peu la salle de poker, j'ai fait beaucoup de publicité et ensuite il y a eu ce jour où les joueurs de poker sont devenus starisés. Il y a eu des sponsors, la télé est arrivée, et donc à ce moment là, pour moi, ça a été naturel de devenir joueuse professionnelle.

J-J B : Vous êtes joueuse professionnelle, l'une des meilleures du monde, et il y a très peu de femmes ?
I M : Très peu de femmes, malheureusement.

J-J B : Pourquoi est-ce qu'il y a peu de femmes ?
I M : Je ne sais pas.

J-J B : J'ai vu des commentaires pas très sympathiques, de certains joueurs hommes. Un joueur a dit un joueur que les femmes ne joueront jamais aussi bien que les hommes tout simplement parce qu'elles ne sont pas assez agressives...
I M : Moi je n'arrête pas de dire le contraire, je n'arrête pas de dire que les femmes sont appelées à être des meilleures joueuses que les hommes. Parce qu'on a un avantage énorme à une table qui est ce sixième sens, cet espèce d'instinct féminin qu'on a, qui nous permet de savoir si la personne est en train de nous mentir ou de nous dire la vérité. Les femmes ont ce coté très subtil, on arrive à percevoir des choses et les hommes l'ont beaucoup moins. C'est vrai que les femmes sont beaucoup moins agressives mais ce que je dis toujours c'est que c'est beaucoup plus facile pour une femme de développer son agressivité avec des exercices tout simples et j'en parle dans mon DVD, que pour un homme de développer son sixième sens.

J-J B : Aujourd'hui ils ont peur de vous, vous faites partie du Gotha...
I M : Oui, je fais partie du groupe, ça se passe à un autre niveau. Mais avec des amateurs, ils me regardent comme une femme la plupart du temps et non pas comme une professionnelle.

J-J B : Mais avec qui vous vous entraînez ?
I M : Je fais des petits tournois sur Internet en permanence, avec toutes sortes d'exercices, les mêmes que je donne dans mon DVD, je les fais moi-même. En 2007 j'ai eu moins de temps parce que j'ai pris beaucoup de temps pour mes projets et je suis un peu déçue, ça s'est moins bien passé, donc en 2008 je remets mon énergie dans le jeu.

J-J B : Est ce que vous avez croisé des tricheurs ?
I M : Non, jamais. C'est très difficile de tricher. Il y a beaucoup de règles d'éthique dans le monde du poker, tout est respecté et on ne trouve pas de tricheurs.

J-J B : Et tous ceux qui sont accros, vous en avez croisé ?
I M : Ça non plus, ce n'est pas un jeu où il y a ce désir compulsif.

J-J B : Mais il y en a certains qui se sont ruinés pour le poker...
I M : C'est une passion, quand on commence à jouer on va jouer tous les jours ; il y en a qui se sont ruinés au poker comme dans pleins d'autres jeux. J'imagine qu'il y en a mais je n'en ai pas vu beaucoup autour d'une table. Mais je ne crois pas qu'il y ait ce côté compulsif comme dans d'autres jeux. Le poker est un jeu de talent où on veut prendre les jetons de l'autre en jouant mieux que lui, en usant de ruses, ce n'est plus être compulsif, c'est comme les échecs ou le backgammon. Après le poker c'est un hobby, comme le golf, et il peut avoir un coût comme faire gagner de l'argent.

J-J B : Vous dites « il faut 100 000 euros de côté pour pouvoir se lancer dans le jeu comme joueur de poker professionnel ».
I M : Il faut le talent, il faut l'énergie, il faut le désir et les 100 000 euros c'est le fond qu'on va utiliser pour jouer.

J-J B : On peut participer, comme ça, à des grands tournois de poker, à des grands tournois internationaux à Las Vegas ou ailleurs ?
I M : On peut se qualifier gratuitement chez soi, aujourd'hui il y a plein de façons. Pour participer à des grands tournois il faut s'inscrire, c'est tout ce qu'il faut et le budget pour s'inscrire. Quand je dis 100 000 euros, c'est une façon de bien commencer, en étant très confortable, en ayant peu de soucis.

J-J B : Vous écrivez « un joueur de poker a une relation particulière avec la mort ».
I M : Comme s'il lui lançait un défi en permanence, c'est un peu ça. Au poker, dans les tournois spécialement, on saute des tournois en permanence, on n'arrête pas de mourir. Il y a un gagnant, il y a mille joueurs, on peut donc gagner qu'un tournoi pendant des années.

La rédaction-Bourdin & Co