« Une guerre contre soi-même »

J-J B : Vous publiez un livre qui a pour titre « Profession : bluffeuse », c'est une autobiographie chez Flammarion sur votre vie de joueuse de poker. Quel est votre age ?
I M : 32 ans.
J-J B : Vous dites "le poker c'est comme la guerre ». C'est vraiment comme la guerre ?
I M : C'est vraiment comme la guerre. Tt encore plus que la guerre car on ne se bat pas contre des gens mais contre soi-même. C'est à dire qu'il y aura toujours des adversaires, de nouveaux joueurs, et rien n'est de leur faute, tout ce qu'il se passe au poker, le résultat ne tient qu'à nous.
J-J B : Vous êtes joueuse de poker professionnelle, ça veut dire que vous en vivez, c'est un métier pour vous ?
I M : C'est un métier mais ça reste un jeu dans le sens qu'il faut quand même s'amuser, ne pas trop se prendre au sérieux, et rester enthousiaste tous les jours. Mais c'est un métier également.
J-J B : Combien gagnez-vous ?
I M : C'est variable, d'un tournoi à l'autre, d'une année à l'autre. Je dépends de mes résultats de tournois et je n'ai aucune vraie garantie.
J-J B : Et vous pouvez gagner 20 000 ou 30 000 euros en une semaine et la semaine suivante les perdre ?
I M : Oui et je pourrais aussi gagner un million d'euros la semaine prochaine et ensuite ne pas gagner de tournoi pendant trois ans. Ça bouge beaucoup et il faut faire attention parce que les frais sont gros.
J-J B : Mais vous mettez de l'argent de côté ?
I M : Non, je mets l'argent devant, je l'utilise.
J-J B : Uniquement pour jouer ?
I M : Uniquement pour vivre. J'aime beaucoup la vie.
J-J B : Il y a de plus en plus de joueurs en France et ailleurs qui se passionnent. Les émissions de télé sur le poker font un tabac, vous avez même un CD où vous donnez des conseils.
I M : C'est carrément des cours, avec des exercices à pratiquer, comme à l'école.
J-J B : Vous vous entraînez ?
I M : Je m'entraîne au poker et je m'entraîne physiquement parce que les tournois sont très difficiles. On passe dix, douze, quatorze heures par jour à une table de tournoi donc c'est comme courir un marathon, et ça dure plusieurs jours, donc physiquement c'est très difficile.
J-J B : Donc vous courrez ?
I M : Je cours, je fais beaucoup de méditation aussi et de yoga, beaucoup de choses qui vont m'aider à rester calme, avoir une belle posture à la table, rester bien physiquement, et je m'entraîne aussi au poker pour mon jeu, je le travaille en permanence.
J-J B : Le niveau de jeu progresse très vite ?
I M : Oui, ça va très vite, ça fait très peur. En cinq ans on passe d'une génération qui ne connaît rien, à une génération qui joue très bien.
J-J B : Comment concilier une vie de joueuse de poker professionnelle avec une vie privée ?
I M : Ce n'est pas difficile du tout, en fait c'est un choix personnel, que moi j'ai fait par exemple, de vivre dans mes valises et de voyager en permanence.
J-J B : C'est à dire que vous êtes toujours dans vos valises, toujours à l'hôtel ?
I M : Je suis toujours dans mes valises, depuis quatre ans mais c'est un choix personnel, on n'est pas obligé de faire ça. Je pourrais avoir une vie sans mouvement, on peut concilier les deux sans problème, ce n'est juste pas mon choix de vie.
J-J B : Et quand vous tombez amoureuse vous ne jouez pas au poker, pas bluffeuse quand même ?
I M : Ça donne des ailes, l'amour aide je crois, mais c'est comme dans la vie. Le poker c'est une petite réflexion de la vie, c'est à dire que dans la vie si on se sent bien, si on dégage une bonne énergie, les choses fonctionnent bien et au poker c'est la même chose. Si je suis amoureuse et que je me sens bien, normalement ça va bien se passer au poker et dans la vie.
J-J B : Encore une fois si vous êtes bien mentalement et physiquement, effectivement vous allez réussir un bon tournoi ?
I M : Voilà, parce que tout se dégage mais pas que dans le poker spécialement.
J-J B : Ce qu'il y a d'extraordinaire autour d'une table de poker, c'est le moment où vous sentez que les autres craquent...Vous sentez quand les joueurs sont plus fragiles qu'à d'autres moments ?
I M : Oui bien sûr mais pour tout le monde donc il faut faire très attention de ne pas donner l'impression à l'adversaire que vous êtes en période fragile. Il faut rester illisible en permanence.
J-J B : Pourquoi est-ce que ça dure dix à douze heures ?
I M : A cause du nombre de joueurs et le fait qu'il faut descendre chaque jour à un certain nombre d'éliminations pour passer aux jours suivants jusqu'à arriver en table de finalistes.
J-J B : Est-il vrai que parfois vous portez un tee-shirt avec une tête de mort ?
I M : Souvent même, c'est très à la mode. J'ai une collection de vêtements que l'on a dessiné avec des gens qui travaillent avec le cirque du soleil, qui est tout à base de tête de mort.
J-J B : Le business autour de votre nom et autour du poker ça devient énorme ?
I M : Ecrire le livre c'est un rêve que j'avais depuis toute petite, le DVD s'est fait naturellement parce que je connaissais le réalisateur, les vêtements c'est quelque chose qui me passionne et me fascine... Ce sont des beaux projets dans lesquels j'ai mis beaucoup d'énergie en 2007, pas assez sur mon jeu, alors maintenant je me re-focalise sur mon jeu en 2008.
J-J B : C'est à dire, qu'est ce que vous avec négligé ?
I M : Le niveau de jeu augmente et vraiment il faut que je continue à m'entraîner en permanence.