Un nouveau scandale de pédophilie éclabousse le Vatican

Manifestation contre les actes pédophiles commis par des prêtres devant la place Saint-Pierre, à Rome. Le New York Times révèle jeudi que le Vatican n'a pas sanctionné un prêtre accusé d'avoir abusé sexuellement d'environ 200 enfants sourds aux Etats-Unis - -
par Philip Pullella
CITE DU VATICAN (Reuters) - Le Vatican n'a pas sanctionné un prêtre accusé d'avoir abusé sexuellement d'environ 200 enfants sourds aux Etats-Unis parce que ses lois n'exigent pas de punition automatique, a déclaré jeudi son porte-parole.
Le New York Times révèle jeudi que le Vatican n'a pas défroqué le prêtre américain Lawrence Murphy dans les années 1990, malgré les avertissements d'évêques sur la gravité de son cas et les possibles conséquences fâcheuses pour l'Eglise de ses actes remontant aux années 1950, 1960 et 1970.
Ce nouveau scandale vient s'ajouter aux allégations de plus en plus nombreuses visant des prêtres en Europe et aux appels à la démission d'évêques, notamment en Irlande, accusés d'avoir dissimulé des affaires de ce type aux autorités civiles.
Parmi les 25 documents mis en ligne sur le site du New York Times figure un courrier adressé en 1996 à Joseph Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), montrant qu'il était au courant de l'affaire.
La missive étant restée sans réponse selon le quotidien, son auteur, l'évêque de Milwaukee Rembert Weakland, s'est adressé huit mois plus tard à son second à la CDF, l'archevêque Tarcisio Bertone, aujourd'hui cardinal et secrétaire d'Etat - ou Premier ministre - du Vatican.
Celui-ci a alors recommandé une procédure secrète mais a fait marche arrière en 1998. Il a alors suggéré des "mesures pastorales", des sanctions internes réduites, lorsque Murphy, invoquant son repentir et sa santé fragile à 72 ans, a sollicité la clémence de Ratzinger. Le prêtre est mort quatre mois après.
Interrogé sur ces informations, le porte-parole du Vatican a reconnu que Lawrence Murphy avait enfreint la loi. Mais, a-t-il ajouté, l'enquête civile ouverte au milieu des années 1970 après des plaintes contre lui a été abandonnée et l'Eglise n'a eu connaissance de l'affaire que vingt ans plus tard.
"La question canonique soumise à la Congrégation n'était liée à aucune procédure civile ou criminelle contre le père Murphy", a dit Federico Lombardi. "Dans de tels cas, le code du droit canonique ne prévoit pas de sanctions automatiques".
UN CARDINAL CRIE AU "COMPLOT"
Le diocèse de Superior (Wisconsin), où Murphy a commencé à officier en 1974, après la découverte de l'affaire à Milwaukee, avait rejeté les recommandations de Bertone et lancé une procédure, stoppée de fait par la mort du prêtre.
Pour Lombardi, le "Cirmen sollicitationis", document de 1962 relatif à la gestion d'affaires se rapportant aux comportements sexuels, sur lequel s'était appuyé Bertone dans un premier temps, n'exige pas des prêtres qu'ils dissimulent les affaires aux autorités, ni ne les invite à les signaler.
Mais les détracteurs de l'Eglise catholique estiment que la culture du secret conduit les évêques à éviter les scandales en ne rendant pas de telles affaires publiques.
Les courriers que s'est procuré le Times montrent que Weakland et l'évêque de Superior Raphael Fliss ont alerté le Vatican sur l'ampleur des abus commis par Murphy lorsqu'il enseignait et dirigeait une école pour enfants sourds.
Le prêtre a admis avoir abusé sexuellement de 19 enfants mais concédé que les allégations portant sur 200 victimes étaient "sans doute assez justes", lit-on dans les notes d'un travailleur social, issues d'un entretien confidentiel en 1993.
A Rome, des victimes de prêtres et des responsables du Réseau des survivants des personnes abusées par des prêtres (SNAP), un groupe basé aux Etats-Unis, ont manifesté sur la place Saint Pierre jeudi, brandissant des photos de Murphy et appelant l'Eglise à se séparer des "prêtres prédateurs".
La présidente de SNAP, Barbara Blaine, a souhaité que Benoît XVI rende publics les dossiers de la CDF et transmette les informations à la justice. Les manifestants exhortaient le pape à mettre un terme à la culture du secret.
Un des principaux conseillers du pape, le cardinal José Saraiva Martins, avait dénoncé quelques heures auparavant un "complot" contre l'Eglise et dit comprendre que des évêques aient pu cacher des informations au public par le passé.
"Nous ne devrions pas être trop scandalisés si certains évêques l'ont su mais ont gardé le secret. C'est ce qui arrive dans chaque famille, on ne lave pas son linge sale en public."
Grégory Blachier pour le service français, édité par Gilles Trequesser