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Pourquoi un tel secret autour du transfert de la tapisserie de Bayeux?

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Annoncée le 18 septembre, puis repoussée et finalement réalisée en catimini à cette date, l'extraction de la tapisserie de Bayeux s'est déroulée dans la plus grande discrétion.

Elle a finalement été déplacée en catimini, jeudi 18 septembre. L'opération d'extraction de la tapisserie de Bayeux, très délicate et techniquement compliquée, avait été programmée pour le jeudi 18 septembre, jour de la mobilisation nationale contre l'austérité budgétaire, avant d'être reportée de quelques jours pour éviter que le transfert ne soit perturbé.

Mais face à la lourdeur du dispositif, les services de l'État ont finalement décidé de maintenir la date du 18 septembre. Sans rendre publique l'opération, qui n'a été révélée que le lendemain à l'AFP.

Est-ce en raison de sa fragilité, ou de la polémique suscitée par le prêt de l'œuvre au British Museum, voulu par Emmanuel Macron? Le transfert de la broderie du XIe siècle, fragilisée par les années et longue de 70 mètres a "mobilisé plus de 90 personnes" et a duré "7h15", a simplement précisé dans un communiqué la préfecture du Calvados qui supervisait la manœuvre avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Normandie.

"Conditions de sécurité optimales"

"Les conditions et le moment de l'opération ont été gardés confidentiels afin d'organiser le transfert dans des conditions de sécurité optimales pour l'œuvre et en impactant le moins possible les habitants de Bayeux", explique la préfecture du Calvados dans son communiqué.

Contacté par BFMTV.com quelques jours avant l'opération, le musée n'avait souhaité divulguer aucun "détail sur la logistique" de ce transfert, "pour des raisons de sécurité évidentes", renvoyant vers la Drac.

Sur le site de la Drac, la page qui donnait des détails sur les "coulisses d'un transport d'œuvre millénaire" est désormais introuvable. On pouvait y apprendre quelques informations sur ce transfert si compliqué. Mais aussi que la tapisserie devait initialement profiter des travaux du musée de Bayeux pour être restaurée. Un projet chamboulé par le prêt annoncé par Emmanuel Macron en juillet pour "revivifier" les liens avec Londres. La rénovation a, depuis, été reportée sine die.

"Pas transportable avant d'être restaurée"

Le voyage de la tapisserie de l'autre côté de la Manche fait polémique. Depuis 2020, des rapports d'experts ont minutieusement radiographié les dégradations qui fragilisent la tapisserie (24.204 taches, 9.646 trous, 30 déchirures...) ou alerté sur les "risques supplémentaires" que ferait courir son transport "au-delà d'une heure de trajet". En 2021, la Drac de Normandie, émanation du ministère de la Culture, avait elle-même assuré que "l'œuvre n'était pas transportable avant d'être restaurée".

La tapisserie de Bayeux, qui n'avait pas quitté son musée depuis 1983, a donc été transférée vendredi en fin de journée. "La tapisserie mise en caisse a pu rejoindre son lieu de mise en réserve", a indiqué la préfecture dans son communiqué, sans donner plus de détails sur le nouveau lieu.

Selon Ouest France, c'est au Musée d'art et d'histoire Baron Gérard, à 200 mètres de là, que la tapisserie est stockée temporairement. Le quotidien régional a pu filmer le transfert, dans un gros camion de la caisse contenant la précieuse broderie. Une opération dissimulée par des barrières couvertes de bâches noires.

Une simulation en avril

Au cours de l'extraction, à laquelle un journaliste de l'AFP a pu assister, le rail auquel la tapisserie était suspendue depuis plus de 40 ans a été prolongé de quelques mètres pour permettre de la sortir de sa vitrine afin de la placer sur une trentaine de paravents à roulettes, permettant de replier la tapisserie sur elle-même. "Une technique de pliage imaginée spécialement pour ne pas laisser de marque", indique à BFMTV, un fin connaisseur de l'œuvre.

En avril dernier, la Drac avait organisé une simulation de l'extraction de la tapisserie. Manipulant "un fac-similé fidèle" pour répéter les étapes: "décrochage sécurisé, installation sur un paravent de transport, acheminement vers une réserve temporaire… Tous les scénarios ont été joués dans des conditions réelles", précisait encore la Drac Normandie dans l'article, aujourd'hui inaccessible, consacré aux coulisses du transport de la tapisserie.

Magali Rangin et Estelle Aubin avec AFP