Pourquoi Jirô Taniguchi est-il un mangaka culte pour les Français?

Détail de la couverture de La Forêt Millénaire de Jirô Taniguchi - Jirô Taniguchi / Rue de Sèvres 2017
Décédé en février 2017, le Japonais Jirô Taniguchi est l'auteur de mangas célébrant notamment la rêverie, la flânerie et la gourmandise. Son dernier livre, La Forêt Millénaire, sort ce mercredi 27 septembre.
Publié dans un format à l’italienne (à l’horizontale), ce récit conte la rencontre entre un jeune garçon et les esprits d’une forêt. Plaidoyer écologique très émouvant, La Forêt millénaire est l'aboutissement de l’œuvre du mangaka, qui a toujours cherché à réconcilier le manga et la BD européenne, les humains et la nature.

Une oeuvre intimiste et universelle
Né en 1947, Taniguchi a commencé à travailler dans les années 1970. Très influencé par la bande dessinée française (dont Enki Bilal et Jean Giraud, le dessinateur de Blueberry), Taniguchi débute en signant des polars, des récits de SF, des histoires animalières.
Au début des années 1990, il publie L'Homme qui marche, série d'histoires courtes racontant les déambulations d'un homme dans les rues de Tokyo. Une traduction française paraît en 1995. Le public français comme la presse se laissent séduire et découvrent que le manga n'est pas qu'un simple produit destiné à des adolescents, mais avant tout un art capable de restituer et de magnifier les détails de la vie quotidienne.
Le succès arrive avec Le Journal de mon père, puis Quartier Lointain, qui reçoit le prix du scénario au Festival de la BD d'Angoulême en 2003. Adapté au cinéma, ce manga raconte l'histoire d'un homme qui retourne dans son enfance et découvre qu'il peut empêcher son père de l'abandonner. Ce récit intimiste, universel, séduit alors un large public et intronise Taniguchi comme l'un des auteurs étrangers préférés des Français.

Des commandes du Louvre et de Louis Vuitton
Ce succès européen surprend le monde de l'édition japonaise. Et permet à Taniguchi d'aborder une deuxième partie de carrière plus apaisée. Il peut explorer les thèmes qui l'intéressent et se consacrer à s'émanciper progressivement des contraintes de la production japonaise, en y intégrant les codes narratifs et graphiques de la BD européenne.
C'est à cette époque qu'il signe notamment Le Sommet des dieux, somme sur les individus qui escaladent l'Himalaya, Furari, déambulation dans le Japon du début du XIXème siècle, et le drame Un Ciel radieux, dont une adaptation sera diffusée sur Arte le vendredi 6 octobre.

Célébré lors d'une grande rétrospective à Angoulême en 2015, Taniguchi a publié dans les années 2000 des ouvrages pensés directement pour le public européen. En 2014, il signe ainsi Les Fantômes du Louvre, une commande du célèbre musée où il livre une lettre d'amour à Van Gogh. Pour Louis Vuitton, il conçoit la même année un livre de voyage sur Venise. Lui qui a longtemps travaillé en noir et blanc s'y dévoile comme un maître de l'aquarelle et de la lumière.
La Forêt Millénaire s'inscrit dans le prolongement de ces livres, y ajoutant une dimension écologique importante. Taniguchi, qui voulait s'adresser aux enfants à travers ce livre, souhaitait, comme l'explique sa traductrice Corinne Quentin, "éveiller les consciences à la nécessité d'instaurer une relation harmonieuse avec son environnement naturel". Avec La Forêt Millénaire, Taniguchi livre son testament graphique et spirituel.
La Forêt Millénaire, Jiro Taniguchi, Rue de Sèvres, 72 pages, 18 euros.
