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Pour Roberto Saviano, Salman Rushdie "sera toujours une cible"

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L'écrivain et journaliste italien, lui aussi sous protection policière en raison de ses écrits, était l'invité exceptionnel de BFMTV. L'occasion d'adresser son soutien à Salman Rushdie.

Deux jours après l'attaque au couteau de Salman Rushdie, visé par une fatwa iranienne depuis 33 ans, Roberto Saviano prend la parole. Le journaliste italien, qui vit lui aussi sous protection policière en raison de ses écrits, craint que l'agression de son confrère et ami n'oblige ce dernier à redoubler de vigilance.

"Malheureusement, je pense que cette expérience va gâcher la vie de Salman", regrette-t-il sur BFMTV ce dimanche. "Au-delà de la souffrance du corps, je crains qu'il ne finisse sous protection, ce qui est vraiment le pire pour lui. Je crains qu'à l'avenir, il ne soit encore considéré comme une cible. Et c'est terrible, parce qu'il avait vraiment réussi à se libérer de tout cela toutes ces années."

Depuis 1989, Salman Rushdie vit sous la menace de cet appel au meurtre lancé par l'ayatollah iranien Rouhollah Khomeiny, à cause d'un passage de son livre jugé blasphématoire par le fanatique religieux. Pendant longtemps, il a été contraint de vivre dans la clandestinité et sous protection policière. À partir de 1993, fatigué d'être "un homme invisible", Salman Rushdie a multiplié les voyages et les apparitions publiques. Comme vendredi, lorsqu'il s'apprêtait à donner une conférence dans l'État de New York, avant qu'un homme ne surgisse sur l'estrade pour le poignarder.

"Il a très bien fait de vivre sans protection"

Roberto Saviano mène une existence similaire depuis la sortie, en 2006, de son livre Gomorra sur la Camorra, la puissante mafia napolitaine. Alors, à l'heure où la sécurité de Salman Rushdie est questionnée, lui estime que l'écrivain a au contraire "très bien fait de vivre sans protection, parce qu'il a conquis trente ans de vie":

"Les premières années de vie sous protection depuis la fatwa de 1989 ont été terribles: il devait changer constamment d'adresse, il avait beaucoup de gendarmes autour de lui (...) Peut-être qu'avec une escorte policière (l'agression de vendredi) ne serait pas arrivée, mais il n'aurait pas aimé comme il a aimé, voyagé comme il a voyagé, écrit comme il a écrit."

Car, comme il le dit sans détour, la vie sous protection est "une vie de merde". Lui-même estime qu'il est "très possible" qu'il abandonne sa propre protection, et son combat contre la mafia: "Je ne sais pas si je vais continuer (...) J'avais 26 ans quand j'ai été placé sous escorte; au moins de septembre, je vais en avoir 43. Cela fait un peu beaucoup."

"Ce n'est pas un couteau qui allait l'arrêter"

Il conclut en rendant hommage à Salman Rushdie - "C'est un homme qui m'a défendu, qui m'a conseillé (...) C'est un homme très intelligent, très gai, il aime la vie" - et en lui adressant un message: "J'étais sûr que tu te sortirais de cette attaque; une personne comme toi, qui a réussi à dépasser des attaques de tout type... ce n'est pas un couteau qui allait t'arrêter."

Salman Rushdie a été transporté à l'hôpital dans un état grave. Samedi, son agent a donné des nouvelles rassurantes à la presse américaine, déclarant que l'écrivain n'était plus sous respirateur artificiel et qu'il allait mieux. Le suspect de l'agression a été inculpé de tentative de meurtre.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV