"Le risque zéro n'existe pas": après le vol rocambolesque au Louvre, la sécurité des musées français en question

L'entrée du musée du Louvre à Paris, le 27 janvier 2025. - Mohamad Salaheldin Abdelg Alsaye / Anadolu via AFP
Au lendemain du spectaculaire cambriolage au musée du Louvre, la police est toujours aux trousses de quatre malfaiteurs partis avec huit "joyaux de la couronne de France". Portant la marque de la criminalité organisée, ce vol de bijoux d'une valeur inestimable en plein jour dans le plus grand musée du monde a eu un écho international.
Mais ce vol par effraction a aussi relancé le débat sur la sécurité des musées français, qui présentent "une grande vulnérabilité", a reconnu le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez.
À l'issue d'une réunion à Beauvau ce lundi 20 octobre, ce dernier a d'ailleurs a demandé un renforcement des dispositifs de sécurité autour des établissements culturels, dont les musées.
Retard du Louvre en matière de sécurité
En juin dernier, plusieurs salariés du Louvre s'étaient ainsi mis en grève pour dénoncer les conditions de travail des agents de sécurité du musée. "Nous avions alerté à de multiples reprises sur les risques qu'on encourait dans l'établissement", a expliqué Élise Muller, agent de surveillance au Louvre et représentante syndicale SUD Culture Solidaires, sur BFMTV.
Selon la représentante syndicale, la direction du musée et les choix budgétaires n'ont, ces dernières années, pas été axés en priorité sur les questions de sécurité du patrimoine.
Interrogé par l'AFP, Christian Galani de la CGT Culture, en poste au musée du Louvre, note lui aussi que le manque d'agents de surveillance au sein de l'établissement parisien, "avec 200 emplois supprimés en 15 ans alors que la fréquentation a été multipliée par 1,5".
En cause, "des budgets insuffisants et peu transparents", affirme-t-il. Selon lui, "environ 17 millions d'euros ont été programmés en 2025 pour la prévention des risques, l'électricité, les ascenseurs et la climatisation dont deux millions pour la sûreté".
Dans un rapport, consulté par l'AFP, la Cour des comptes a également alerté sur le retard pris par le Musée du Louvre en matière de sécurité. D'après ce document, dont la version complète doit être publiée en novembre, le déploiement de nouveaux équipements de surveillance ne s'est concentré que sur un "certains nombre de salles" du musée, notamment les espaces d'expositions temporaires du hall Napoléon.
De ce fait, "60% des salles de l'aile Sully et 75% pour l'aile Richelieu ne sont pas protégées par des dispositifs de vidéo-surveillance", précise le rapport de la Cour des comptes.
Une recrudescence des cambriolages de musées
Mais au-delà de l'émotion suscitée par le cambriolage du Louvre, cette affaire met en lumière une fragilité déjà connue du secteur muséal français. Depuis plusieurs mois, les institutions culturelles subissent une série d'intrusions et de vols qui témoignent de défaillances en matière de protection du patrimoine.
En septembre, des voleurs s'étaient ainsi introduits de nuit au Muséum d'histoire naturelle à Paris pour emporter 6kg de pépites d'or. Le système d'alarme et de vidéosurveillance du Muséum était "inopérant" depuis une cyberattaque survenue le le 25 juillet, a appris l'AFP de source policière, ce que le musée n'a ni confirmé, ni démenti.
Quelques jours plus tard, le musée Adrien Dubouché de Limoges avait subi un cambriolage pour un préjudice estimé à 6,5 millions d'euros. En octobre, le musée Jacques Chirac de Saran, en Corrèze avait subi quant à lui deux cambriolages en 48h, avec un premier braquage raté puis un vol d’objets diplomatiques et de bijoux pour un préjudice dépassant un million d’euros.
Selon l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), si "la sécurité est inégale d'un musée à l'autre", ils "sont de plus en plus ciblés au titre des valeurs et oeuvres très importantes qu'ils détiennent".
"Il y a toujours des progrès à faire"
Face à ce constat alarmant, les professionnels du secteur ne se disent pourtant pas surpris. Pour Samuel Paulin, responsable sécurité du musée Granet d'Aix-en-Provence, le vol au Louvre illustre des risques bien connus par le milieu, où la sécurité reste souvent tributaire des moyens disponibles.
"Le risque zéro n'existe pas", assure-t-il au micro de BFMTV. "Il est régulier que sur des musées, vous aillez des failles de sécurité, soit par du matériel qui ne va pas fonctionner, soit pas des moyens humains absents", poursuit-il.
Pour prévenir les incidents - qu’il s’agisse de vols, d’actes de vandalisme ou de menaces terroristes -, Samuel Paulin explique que des exercices de sécurité "grandeur nature" sont toutefois régulièrement menés dans les musées en amont des expositions, en collaboration avec les forces de l’ordre.
Mais le cambriolage du Louvre oblige désormais tout le secteur à s’interroger. "Il y a toujours des progrès à faire", souligne-t-il. "On doit travailler là dessus, c'est très important. On va reprendre ce qu'il s'est passé pour vérifier que de notre côté ça ne se reproduise pas".
De son côté, le député LR Alexandre Portier a annoncé vouloir porter le lancement cette semaine d’une commission d’enquête sur "la protection du patrimoine des Français et la sécurité des musées".