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Le prix Nobel de littérature 2025 est attribué au Hongrois Laszlo Krasznahorkai

L'écrivain hongrois Laszlo Krasznahorkai le 26 juillet 2021 en Autriche.

L'écrivain hongrois Laszlo Krasznahorkai le 26 juillet 2021 en Autriche. - Leo NEUMAYR - AFP

L'écrivain hongrois László Krasznahorkai succède à la Sud-coréenne Han Kang, lauréate du prix Nobel de littérature en 2024.

Après avoir couronné en 2024 la Sud-Coréenne Han Kang, première femme asiatique à recevoir le Nobel de littérature, l'Académie suédoise a remis sa célèbre distinction à László Krasznahorkai, 71 ans, ce jeudi 9 octobre.

L'écrivain hongrois a été récompensé "pour son oeuvre fascinante et visionnaire qui, au milieu d'une terreur apocalyptique, réaffirme le pouvoir de l'art", a expliqué le jury.

Né le 5 janvier 1954 à Gyula, dans le sud-est de la Hongrie, Laszlo Krasznahorkai est surtout lu en Allemagne, où il a vécu pendant des années, et en Hongrie, où il est considéré par beaucoup comme l'un des plus importants auteurs vivants du pays.

Son nom revient depuis plusieurs années dans les spéculations des critiques littéraires. Il est le deuxième hongrois à recevoir le Nobel de littérature après Imre Kertesz, lauréat en 2002, et décédé en mars 2016.

Difficile et exigeant, son style a été décrit par Krasznahorkai lui-même comme "la réalité examinée jusqu'à la folie". Son penchant pour les longues phrases et les rares coupures de paragraphe ont également valu à l'écrivain d'être qualifié d'"obsessionnel".

Un grand écrivain épique

László Krasznahorkai est "un grand écrivain épique dans la tradition d'Europe centrale qui s'étend de Kafka à Thomas Bernhard, et se caractérise par l'absurdisme et l'excès grotesque. Mais il a plus d'une corde à son arc, et il se tourne également vers l'Orient en adoptant un ton plus contemplatif et finement calibré", selon l'Académie.

Difficile et exigeant, son style a été décrit par le Hongrois lui-même comme "la réalité examinée jusqu'à la folie". Son penchant pour les longues phrases et les rares coupures de paragraphe ont également valu à l'écrivain d'être qualifié d'"obsessionnel".

Explorant les thèmes de la dystopie postmoderne et de la mélancolie, son premier roman Satantango (1985) l'a fait connaître en Hongrie et reste son oeuvre la plus renommée.

"Douloureusement beau"

Elle raconte la vie dans un village en décomposition de la Hongrie de l'ère communiste en 12 chapitres composés chacun d'un seul paragraphe et est qualifiée par M. Szirtes de "lente coulée de lave narrative".

Le livre était destiné aux personnes qui "veulent autre chose que du divertissement... qui ont une préférence pour le douloureusement beau", a déclaré l'auteur dans une interview.

Satantango a fait l'objet d'un long métrage - de plus de sept heures - du même nom en 1994 par le réalisateur hongrois Bela Tarr. Ce dernier a également porté à l'écran une adaptation du roman de 1989 de l'écrivain, La mélancolie de la résistance, qui se déroule aussi dans un lieu désolé de l'ère communiste, dans son film Werckmeister Harmonies, réalisé en 2000.

Comparé à l'écrivain irlandais Samuel Beckett comme au Russe Fiodor Dostoïevski, Krasznahorkai avait été qualifié de "maître hongrois contemporain de l'apocalypse, qui inspire la comparaison avec Gogol et Melville", par la critique américainne Susan Sontag.

Son roman Guerre et guerre (1999) a été décrit par le critique du magazine New Yorker James Wood comme "l'une des expériences les plus profondément troublantes que j'aie jamais vécues en tant que lecteur".

Kafka et Hendrix comme inspirations

"J'ai eu l'impression de m'être approché aussi près que la littérature pouvait le faire de l'habitation d'une autre personne", a écrit Wood.

Après la chute du communisme, Krasznahorkai a vécu dans une multitude de pays, dont la France, les États-Unis, la Chine et le Japon, observant de manière critique l'évolution politique de la Hongrie.

"Il n'y a plus d'espoir en Hongrie aujourd'hui, et ce n'est pas seulement à cause du régime d'Orban", a-t-il déclaré plus tôt cette année au journal suédois Svenska Dagbladet en référence au Premier ministre Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010.

"Le problème n'est pas seulement politique, mais aussi social," a-t-il ajouté.

En 2015, Krasznahorkai avait remporté le prix britannique Man Booker International pour l'ensemble de sa carrière. Premier auteur hongrois à recevoir ce prix, il a cité l'auteur Franz Kafka, le chanteur Jimi Hendrix et la ville de Kyoto au Japon comme sources d'inspiration.

"J'espère qu'avec l'aide de ce prix, je trouverai de nouveaux lecteurs dans le monde anglophone", avait-il alors dit.

Interrogé sur les images apocalyptiques de son oeuvre, il a répondu : "Peut-être suis-je un écrivain qui écrit des romans pour des lecteurs qui ont besoin de la beauté de l'enfer"

Dominé par les hommes et les lettres occidentales

Depuis sa création, en 1901, le prix Nobel de littérature est dominé par les hommes et les lettres occidentales. Parmi les 121 lauréats, seules 18 femmes ont obtenu le prix et une minorité des auteurs récompensés sont de langues asiatiques ou moyen-orientales. Aucune langue africaine n'est représentée.

La France peut toutefois se targuer d'être le pays le plus récompensé avec 16 primés, note Livres Hebdo, avec deux écrivains couronnés au cours des dix dernières années: Patrick Modiano en 2014 et Annie Ernaux en 2022.

Plus qu'un Nobel à remettre, celui de la paix

Trois prix Nobel ont été déjà été attribués depuis le début de la semaine. Lundi, les chercheurs américains Mary E. Brunkow et Fred Ramsdell et le Japonais Shimon Sakaguchi se sont vus remettre le prix Nobel de médecine pour leur recherche sur la façon dont le corps contrôle le système immunitaire.

Ce mardi, ce sont le Français Michel H. Devoret, le Britannique John Clarke et l'Américain John M. Martinis, qui ont été décorés du prix Nobel de physique pour leurs travaux sur la mécanique quantique macroscopique.

Ce mercredi, le prix Nobel de chimie a quant à lui été attribué au trio de chimistes Susumu Kitagawa, Omar M. Yaghi et à Richard Robson, pour leur travaux sur "le développement des structures métallo-organiques", capables d'emprisonner des gaz.

Reste le très attendu prix Nobel de la paix ce vendredi 10 octobre, distinction que le président américain Donald Trump souhaite à tout prix décrocher, son nom ayant été soufflé à l'Académie par une tierce personne.

Le Nobel consiste en un diplôme, une médaille et un chèque de 11 millions de couronnes (environ 1 million d'euros).

Carla Loridan et Sophie Hienard avec AFP