Guerre Japon-Corée à Angoulême

L’exposition "Les femmes de réconfort" du Festival d’Angoulême. - -
Dans un premier temps, il faut savoir que le sentiment nationaliste monte par petites touches, tant en Corée du Sud qu'au Japon. L'armée et l'administration de la colonisation japonaise (1910-1945) de la Corée a fait bien des choses abjectes dans la péninsule. Notamment l'embrigadement de force de dizaines de milliers de femmes coréennes (le chiffre de 200.000 circule) pour servir d'esclaves sexuelles pour l'armée impériale, appelées par tous "femmes de réconfort".
Le gouvernement japonais d'après-guerre mit longtemps à s'excuser, étant passé de l'oubli volontaire (années 50) à la tentation de la négation (années 60-70), à enfin une reconnaissance gênée et calibrée (années 80 à nos jours).
Voici que pour le 41e Festival de Bande dessinée d'Angoulême – grand' messe de la BD mondiale, et des mangas hors Japon – les participants coréens ont apporté une contribution brûlante sur un sujet brûlant: les femmes de réconfort. L'histoire de jeunes coréennes kidnappées par des militaires japonais, et réduits à l'état d'esclaves sexuelles sur le front pendant la Seconde Guerre mondiale.
"Le Japon a fait énormément de dégâts aux peuples d'Asie"
L'ambassadeur japonais en France, Yoichi Suzuki, avait vu venir la polémique, et la veille de l'ouverture du Festival, il a convoqué la presse à Paris pour nous dire l'historique de cette affaire. "Les femmes de réconfort font partie de l'histoire. Le gouvernement japonais ne le nie absolument pas," rappelle le diplomate. L'Étas japonais s'est d'ailleurs excusé plusieurs fois, avec des phrases émanant de Premiers ministres, du genre: "le Japon a fait énormément de dégâts aux peuples d'Asie... et peuple japonais est très attristé par les énormes souffrances des femmes de réconfort."
Juridiquement le gouvernement japonais a versé des sommes spécifiques en compensation de ce dossier, et ceci dès le traité nippo-sud-coréen du 22 juin 1965, rappelle toujours Suzuki, mais alors il devient défiant:"Pourquoi les autorités coréennes reviennent sur le sujet?" Ces autorités auraient déjà accepté ces fonds, et une Fondation pour les Femmes asiatiques avait été créée par la suite, et des dédommagements versés.
Et l'ambassadeur de regretter que certains groupes coréens ont utilisé le Festival d'Angoulême pour projeter une vue politique non équilibrée, ce qui est dommageable aux relations positives entre la Corée et le Japon. "Nous avons fait part de notre préoccupation à la Municipalité d'Angoulême", indique Suzuki. Voilà qui est dit.
"Guerre nippo-coréenne des BD"
Quoiqu'il en soit, lorsque les participants coréens au Festival d'Angoulême ont soumis leurs projets, les organisateurs ont donné les feux verts nécessaires moyennant quelques précautions.
Diplomatiquement, un ministre sud-coréen est allé à Angoulême, et l'ambassade du Japon a, de son côté, multiplié les contacts avec la presse, dans cette "Guerre nippo-coréenne des BD". Les exposants japonais ont finis par partir tous jusqu'au dernier (moins un), la nuit du 1er février.
Le délégué général du Festival, Franck Bondoux, ne s'attendait pas à une telle politisation internationale. Il a pourtant bien bordé le festival à l'avance. Mais on ne peut tout prévoir, et la BD s'inspire du réel cette année... "De nos jours, on est dans ce passage à la BD pour adultes."
Donc Franck Bondoux ne rejette pas la thématique des femmes de réconfort, ce sont les auteurs des BD qui ont la parole, il avait vu l'œuvre avant l'ouverture, et a bien vu le parti pris, mais c'est aux lecteurs de se faire une opinion.
Quiqu'il en soit, à 9000 km d'Angoulême, le torchon brûle entre Séoul et Tokyo. Une dispute territoriale au sujet d'îlots contestés entre Japon et Corée devrait resurgir de plus belle, attisés par des BD polémiques à venir.