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Charente-Maritime

Un atelier de parures en coquillage vieux de 42.000 ans découvert en Charente-Maritime

Des coquillages découverts à Saint-Césaire, en Charente-Maritime.

Des coquillages découverts à Saint-Césaire, en Charente-Maritime. - DR / CNRS - S.Rigaud

Des scientifiques ont mis au jour en Charente-Maritime le plus ancien atelier de fabrication de parures en coquillage d'Europe de l'Ouest, occupé il y a 42.000 ans par des artisans dont l'identité reste mystérieuse.

De 2018 à 2020, des paléoanthropologues ont minutieusement fouillé une zone de trois mètres carré sur 15 centimètres d'épaisseur sur le site de La Roche-Pierrot à Saint-Césaire, en Charente-Maritime.

Un "travail de fourmi" qui a permis de découvrir quelque 200 fragments de littorines, objet d'une récente publication dans Proceedings of the National Academy of Sciences signée par des scientifiques du CNRS, de l'université de Bordeaux (Gironde), du ministère de la Culture et de l'Université de Toulouse (Haute-Garonne).

Ces coquillages d'à peine un centimètre ressemblant à des bigorneaux "sont assez colorés à l'état naturel, avec des tons qui vont du brun au jaune-rouge" et ont "a priori été sélectionnés" pour cette raison, détaille à l'AFP Isabelle Crevecoeur, co-autrice de l'étude.

Une trentaine portent des traces de perforation faites par l'homme, sans doute à l'aide un objet en pierre, à "un endroit bien précis".

"Les trous ne portent pas de traces d'usure" et "d'autres littorines, plus petites, ne sont pas percées", poursuit la directrice de recherche au CNRS.

À proximité, les chercheurs ont retrouvé plus d'une centaine de fragments de pigments rouges et jaunes, cassés "peut-être dans le but de les broyer et de préparer un mélange qui permettait de faire de la coloration".

À l'époque, le rivage atlantique où les coquillages ont été récoltés se trouvait à cent kilomètres de là. Et les pigments ont été extraits à une quarantaine de kilomètre au minimum autour du site de fouilles.

"On peut imaginer un groupe d'individus qui s'arrête à La Roche-à-Pierrot pour rafistoler quelque chose", par exemple un "vêtement coloré et paré de coquillages", et qui "laisse sur place ce qu'il n'utilise pas", raconte Isabelle Crevecoeur.

Néandertal ou sapiens ?

Daté de 42.000 ans, le site est le plus ancien de ce type découvert en Europe de l'Ouest. Il appartient au Châtelperronien, une culture du Paléolithique supérieur retrouvée en France et dans le nord de l'Espagne, dont l'identité des représentants - Néandertal ou Homo sapiens - fait débat.

Entre 55 et 42.000 ans avant notre ère, l'Europe connaît une profonde transformation: les derniers Néandertaliens sont remplacés progressivement par des groupes d'Homo sapiens venus d'Afrique via le Moyen-Orient.

Lors de cette période de transition, apparaissent "de nouvelles industries (des techniques de fabrication d'outils, NDLR) qui tranchent avec ce que fait Néandertal", explique la paléoanthropologue. Mais "ce n'est pas encore le monde complètement sapiens" avec une "manière encore différente de tailler les outils en lames, en lamelles".

En Europe du Nord et de l'Est, des restes humains ont pu être associés à certaines de ces cultures de transition, permettant de les attribuer à Homo sapiens. Mais pas dans les sites châtelperroniens de l'Europe de l'Ouest.

"Jusqu'à présent, les sites associés clairement à Néandertal ne présentent pas de perles en coquillage", rappelle la chercheuse.

L'explosion de l'expression symbolique à cette période, marquée par notamment des pratiques d'ornementation, est généralement associée à Homo sapiens et seules des fouilles menées en Europe du Sud-Est et autour de la Méditerranée avaient livré ce type de parures en coquillages.

Les auteurs de l'étude ne tranchent pas sur l'identité des artisans de La-Roche-à-Pierrot, avançant deux hypothèses.

Si ce sont des Néandertaliens, "la rupture culturelle est tellement forte, à la fois dans la manière de faire les outils et dans l'expression symbolique qu'on ne peut pas imaginer que ça se soit fait tout seul" mais sans doute au contact d'Homo sapiens, estime Isabelle Crevecoeur.

Si au contraire, les parures sont l'œuvre d'Homo sapiens, cela signifierait qu'un groupe pionnier de nos ancêtres aurait déjà été présent en Europe de l'ouest il y a 42.000 ans.

L.P. avec AFP