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Société

Y. Benguigui : « Le 9/3, un département sacrifié »

Le film « 9/3, mémoire d'un territoire » sera diffusé ce soir lundi 29 septembre sur Canal +.

Le film « 9/3, mémoire d'un territoire » sera diffusé ce soir lundi 29 septembre sur Canal +. - -

La réalisatrice Yamina Benguigui est venue présenter son documentaire sur la Seine-Saint-Denis, évoquant l’histoire industrielle, sociale puis communautaire de ce département délaissé.

Yamina Benguigui, pour son documentaire « 9/3, mémoire d'un territoire » diffusé ce soir sur Canal +, était l'invitée des GG lundi 29 septembre. A cette occasion, elle a évoqué l'histoire de la Seine-Saint-Denis et les racines d'un « problème » qui remontent aux années 1840 : « C'est avant tout l'histoire d'une relégation, d'une relégation sociale, pour aujourd'hui devenir une relégation raciale. C'est un territoire oublié, sacrifié. Il a été sacrifié pour la France et pour l'Europe parce qu'il a été le premier pôle industriel, il est un des territoires les plus pollués et je crois qu'aujourd'hui on doit absolument le considérer. On doit considérer toute cette population, qui est morte pour le 93, et c'était avant tout une population blanche, des Bretons, des gens du Limousin, des Parisiens, et ensuite les Européens, pour aujourd'hui arriver à la dernière immigration. C'est avant tout une tragédie qui s'est passée, et aujourd'hui les émeutiers sont les survivants de cette histoire ».

« Il y a toute cette histoire de culture ouvrière, sauf qu'à un moment donné, il y a la désindustrialisation. Là, on démantèle ce département, qui n'a rien à voir par exemple avec une ville comme Sarcelles (Val d'Oise), qui est une ville dortoir. On y dormait et on allait travailler ailleurs. En Seine-Saint-Denis, on habite là et on ne pense pas à aller ailleurs. On a démembré ce territoire, qui reste dans la précarité, avant même le choc pétrolier qui va avoir des conséquences en plus sur le chômage. Mais surtout, c'est aussi les conséquences de la politique française, de la politique de son immigration, de la politique de sa décolonisation, puisqu'en 1974 il y aura le regroupement familial et que des familles arriveront. Or on sait lorsqu'on déracine des femmes que les familles arriveront dans un endroit qui est déjà entièrement sinistré, dans un habitat qui devrait normalement déjà être démoli ».

D'autre part, le documentaire s'attarde sur le scandale des conditions de construction des grands ensembles et la pollution qui va avec : « Par exemple, pour le Stade de France, la dépollution a coûté 30 millions d'euros. On sait qu'il était placé sur une poche d'hydrocarbures. Mais c'est pour toute la Seine-Saint-Denis. Il y a 20 ans, 30 ans, on parlait de la « maladie des grands ensembles » sans jamais se demander d'où ça venait. Ca venait juste de la terre, on n'aurait pas dû construire comme ça et c'est vrai que c'est quelque chose qui est tu, qui n'est pas dénoncé. Sur place, on le sait ».

« La Seine-Saint-Denis a été le carrefour de tout ce qui a été expérimental, aussi bien pour les usines que pour l'urbanisme. Il y a une volonté de construire vite du logement social, avec le programme du « 1 logement = 1 million », ce qui représente 1 000 euros aujourd'hui. Ca a été fait en dépit du bon sens, avec des architectes qui avaient tous leurs plans, sans aucune concertation, sans logique, oubliant tout simplement tout le long de cette histoire, l'humain ».

« Il faut savoir qu'il y a 38 grands ensembles en Ile-de-France mais il y en a 26 en Seine-Saint-Denis, c'est ça qui est dramatique. C'est l'organisation d'un ghetto. Il y a une volonté politique d'organiser un ghetto, qui n'est pas racial au départ mais social. Ce territoire est délimité, c'est un territoire de déchet. On a juste oublié ces gens, c'est un territoire qui répondait aux urgences ».

La rédaction-Les Grandes Gueules