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Si un garçon refuse de tenir la main d'une fille à l'école, c'est "une question d'affinités" plus que de religion

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Le ministre de l’Education nationale a appelé les instituteurs à prêter attention aux signes de radicalisation chez les enfants. Le fait qu’un garçon refuse de tenir la main d’une fille peut être assimilé à du communautarisme et faire l’objet d’un signalement, a-t-il déclaré, s’attirant de nombreuses critiques.

Le comportement des enfants à l’école doit être passé au peigne fin par les enseignants à la recherche de signes de communautarisme voire de radicalisation. Dimanche, Jean-Michel Blanquer a créé la polémique en appelant à "signaler" certaines attitudes, particulièrement quand "des petits garçons refusent de tenir la main à des petites filles. Ce n'est pas acceptable dans l'école de la République". Des propos qu’il a réitérés ce mercredi matin au micro de France Inter.

"De plus en plus, on constate des phénomènes qui traduisent un impact communautariste et qui peuvent parfois être un signal de radicalisation", a-t-il maintenu.

Cette position hérisse le corps enseignant, qui s’est empressé de réagir. "C’est un raccourci qui est très réducteur", commente Laurent Hoefman, président du Syndicat national des écoles (SNE), interrogé par BFMTV.

"Quelque chose d'ordinaire"

"Des garçons et des filles qui ne veulent pas se tenir la main, on en voit tous les jours dans les cours des écoles maternelles. C'est quelque chose d'ordinaire lié à la psychologie infantile", ajoute auprès de Franceinfo Brendan Chabannes, co-secrétaire de la fédération SUD-Education. Les enfants sont très attentifs à la différenciation des genres. A ce titre, un garçon peut refuser de jouer avec une fille, et réciproquement, "c’est très répandu, sans qu’il y ait forcément une motivation religieuse en toile de fond", nous explique Nicole Garret-Gloanec, pédopsychiatre au CHU de Nantes.

"A la fin de l’école élémentaire, le caractère sexué des jeux et occupations commence à prendre forme", abonde Laurent Hoefman. Le président du SNE précise que le refus de prendre la main d’un camarade "tient plus aux affinités entre chacun, parfois aussi à la timidité de certains ou à un caractère plus sauvage. On le constate notamment quand on les met en rang deux par deux pour une sortie scolaire. Ils se mettent avec leurs amis. Ça ne va pas vraiment plus loin".

"Perméable à la vision confessionnelle de ses parents"

La pédopsychiatre remarque que la situation peut devenir problématique "quand un garçon refuse d’avoir des contacts avec toutes les filles. Cela traduit une différenciation très marquée qui peut être guidée par un intégrisme. Mais cette prise de position extrême existe dans toutes les religions: musulmane, catholique et juive", souligne Nicole Garret-Gloanec. Et de poursuivre: "Un enfant ne remet pas en question le fait religieux, par conséquent il est très perméable à la vision confessionnelle de ses parents."

Le directeur d’école, Laurent Hoefman, concède lui aussi qu’un refus de mixité doit être surveillé dans la mesure où il est "complémentaire d’autres éléments alarmants qui se produisent dans des circonstances différentes. Les instituteurs doivent restés vigilants tout en s’attachant à ne pas stigmatiser inutilement un enfant", insiste-t-il.

Si de telles dérives sont observées au sein de l’éducation nationale, elles se produisent "dans des proportions ridicules en comparaison des millions d'enfants scolarisés chaque année dans les écoles, les collèges et les lycées", tempère auprès de nos confrères le syndicaliste SUD-Education, tout en qualifiant les propos de Jean-Michel Blanquer de "nauséabonds et réactionnaires".

Ambre Lepoivre