Retour des farines animales en France : «Aujourd’hui, il n’y a aucun risque»

« Le public n’étant pas assez averti, il y a confusion », regrette Jean-Louis Peyraud, directeur de recherche à l'Inra. - -
Près de 20 ans après la crise de la vache folle, les farines animales sont de retour dans votre assiette. Suite à une décision de la Commission européenne, les pisciculteurs sont de nouveau autorisés à nourrir les poissons avec des farines animales, depuis le 1er juin dernier. La Commission européenne estime qu'il n'y a plus les mêmes risques que dans les années 1990, quand la consommation de ces farines animales, avec lesquelles étaient nourries les bovins, était suspectée de transmettre l'encéphalopathie spongiforme bovine, appelée également maladie de la vache folle.
Dix jours après la décision de la Commission européenne cet hiver, François Hollande avait affirmé, depuis le Salon de l'Agriculture, que la France ne réintroduirait pas les farines animales dans l'élevage des poissons. Mais l'Europe autorise aujourd'hui les éleveurs à les utiliser.
« Que ce soit affiché sur le produit »
Thierry Beaume est pisciculteur en territoire de Belfort dans l'Est du pays. Il est pour l'utilisation de ces farines : « Le problème aujourd’hui, c’est que pour nourrir nos poissons, on fait du poisson avec du poisson. On sait que cette ressource n’est pas inépuisable, donc il fallait urgemment trouver des solutions. Pourquoi devrait-il y avoir un scandale ? Il y en a eu un à l’époque parce qu’il y a des choses qui ont été mal faites. Ce n’est pas parce que ça a été mal fait que ça va toujours être mal fait. Pourquoi se braquer et mettre à la poubelle cette part d’équarrissage qui pourrait être utilisée dans de bonnes conditions ? Moi ce que je dis aujourd’hui, c’est qu’on doit l’utiliser, mais ça doit être fait intelligemment : que ce soit affiché sur le produit, pour laisser le choix au consommateur, d’acheter ou pas ».
« Y’en a marre d’entendre dire : les truites, c’est farineux »
Olivier Dominique, exploitant en Languedoc-Roussillon, à Pégairolles-de-Buèges, y est lui farouchement opposé : « On m’en a proposé, mais j’en veux pas ! Un poisson ça doit manger du poisson, pas de la viande. Y’en a marre d’entendre dire : les truites, c’est farineux, ça vaut rien, j’en veux plus, parce qu’elles ne sont pas bonnes. Quand les gens prennent de la truite chez moi, ils reviennent, parce qu’ils la trouvent bonne. S’ils voient de la farine de viande chez moi, je perds ma clientèle. Ils ont eu la peur de la vache folle. Tant que j’ai des gens qui viendront acheter la truite chez moi, un peu plus cher, parce qu’ils veulent une bonne truite, je continue ».
« Le public n’étant pas assez averti, il y a confusion »
Jean-Louis Peyraud, directeur de recherche à l'Inra (Institut Nationale de Recherche Agronomique), regrette que le public ne soit pas assez informé à ce sujet, car, il l’assure, « il n’y a aucun risque [avec ces farines animales aujourd’hui], puisque quand on découpe la viande, il y a toujours des petits morceaux de viande, de carcasse, qui restent sur les os, et c’est ces morceaux-là qui sont broyés pour devenir des protéines. Alors que dans les farines animales des années 90, celles qui ont posé tant de soucis, il y avait aussi les cadavres des animaux morts qui étaient mis dedans ; ce qui n’est absolument plus le cas aujourd’hui, puisque ces farines-là ne sont faites aujourd’hui qu’avec des sous-produits de ce qui part dans la chaîne d’alimentation humaine. Ça n’a rien à voir avec il y a une quinzaine d’années. Malheureusement, le public n’étant pas assez averti, il y a confusion des genres, nécessairement ».