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Société

Pourquoi les trottinettes électriques ont conquis les villes

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- - FRANCOIS GUILLOT / AFP

A l’achat ou à la location, l’usage de la trottinette électrique est en plein développement dans les grandes villes.

Longtemps, on les regardait passer avec un petit sourire aux lèvres. "Mais qui sont ces adultes qui osent se déplacer en trottinette électrique? A quel point faut-il être immature pour adopter un mode de déplacement aussi enfantin?" Mais le sourire s’est effacé depuis que l’engin semble en voie de devenir un moyen de déplacement grand public. Sur un marché toujours très jeune, aucune étude ne dénombre encore avec précision le nombre exact de trottinettes électriques en France. Mais certains évoquent une fourchette assez large: entre 50.000 et 100.000 unités. Une chose est sûre, le secteur est dynamique.

A Paris, Michaël Akoun le confirme. Il y a quatre ans, il a lancé Rent&Go, une société de locations de trottinettes électriques. Et ses 70 engins restent rarement dans sa boutique parisienne.

"L’inspiration, c’est Barcelone. Il y avait ce concept il y a 5 ou 6 ans, et ça n’existait pas encore ici. Depuis l’ouverture, on a quadruplé le chiffre d’affaires. C’est un produit de plus en plus demandé, autant par les touristes qui veulent visiter Paris en se déplaçant librement, que par des Parisiens qui veulent eux-mêmes tester pour se faire leur propre avis sur ce mode déplacement. Il y a des journées où on peut refuser 20 à 30 personnes qui n’ont pas réservé".

"Les gens ne se disent plus 'trottinette=jouet pour enfant', c’est un vrai outil de déplacement"

Les fabricants aussi se frottent les mains. Derrière des marques chinoises ou allemandes, des Français tentent également de surfer sur la vague. C’est le cas d’Arnaud Porée, qui a lancé Lab’Elle il y a deux ans. "On est sortie de la niche, et depuis ce printemps, on a des ventes qui explosent sur tous les niveaux de prix qu’on peut proposer, pour atteindre 500 à 700 produits par an. Les gens ne se disent plus 'trottinette=jouet pour enfant', c’est un vrai outil de déplacement à part entière. On se rend compte que ça colle très bien avec un couplement avec les transports en commun et les 2 ou 3 derniers kilomètres à accomplir qui habituellement se faisaient à pieds", explique-t-il.

A Aubagne, la société Trottix s’est lancée dans la trottinette électrique en 2015, et elle ne le regrette pas. "Entre 2017 et 2018, on va faire +200% de progression sur nos ventes, assure son fondateur, Arnaud Lacreuse. On a pas mal de clients qui utilisaient le vélo, mais ça ne répond pas à tout. Un vélo ça prend de la place, s’il n’y a pas de piste cyclable vous êtes sur la route avec les voitures, et vous êtes stressé par rapport aux vols potentiels. Alors que la trottinette passe partout, et vous l’avez toujours avec vous". Son offre à lui dépasse d’ailleurs le simple cas du particulier qui veut gagner du temps, puisque il propose ses services à des entreprises ou des collectivités:

"Certains services utilisent des voitures pour faire 2km, avec tous les coûts que ça engendre. On a aussi des entreprises qui mettent à la disposition de leurs employés des trottinettes pour apporter une solution de mobilité supplémentaire", détaille Arnaud Lacreuse.

"On s’est rendu compte que les trottinettes étaient largement plus demandées"

A Paris, Lime et Bird, deux services de trottinettes disponibles en free-floating, se sont lancés ces dernières semaines, tentant de surfer sur l’engouement actuel, tout en profitant des déboires du Velib.

"Lime a été fondé aux Etats-Unis en 2017, raconte Arthur-Louis Jacquier, son directeur pour l’Hexagone. Au début, on proposait des vélos, puis des vélos électriques, puis des trottinettes électriques. Parce qu’on s’est rendu compte que les trottinettes étaient largement plus demandées par les utilisateurs".

Aujourd’hui, quelques centaines de trottinettes Lime sont disponibles dans la capitale, "et notre challenge c’est d’en ajouter rapidement pour pouvoir faire face à la demande qui explose", assure le dirigeant sans vouloir dévoiler de chiffres. 

Il faudra bien finir par adapter la réglementation

L’arrivée d’une offre en libre-service n’inquiète d’ailleurs même pas les loueurs ou les fabricants. "On voit ça plutôt d’un bon œil, assure Arnaud Porée. Les solutions de free-floating permettent une sorte de mise en bouche. Derrière, s’il y a un vrai engouement certains vont passer à l’achat". "Au début c’était très inquiétant, admet Michaël Akoun. Mais finalement, grâce à ces concurrents, on a beaucoup plus d’appels et de locations. Indirectement, ils nous font de la pub". "La trottinette électrique, l’essayer c’est l’adopter", confirme Arthur Louis Jacquier.

Les adoptions sont tellement nombreuses qu’il faudra bien finir par adapter la réglementation. En l’espèce, le code de la route n’a pas encore pris la mesure du phénomène puisque il n’existe aucune réglementation spécifique aux trottinettes électriques. "Elles sont considérées aujourd’hui comme des assistants piétonniers, et doivent être utilisées à 6km/h sur les trottoirs", assure Arnaud Porée. Sans y être formellement autorisées, elles sont tout de même tolérées jusqu’à 25km/h sur les pistes cyclables voire les routes. Le projet de loi orientation sur les mobilités, prévu pour cet automne, devra trancher ce débat.

Antoine Maes