Noob, PLS, Binks: ces expressions qui ont le vent en poupe chez les jeunes

Chaque jeune génération impose ses figures de style et celle-ci n’est pas prête de perdre la main niveau lexique. C’est l’impression qui se dégage de la lecture de l’immersion que Le Parisien a effectuée ce mercredi dans le langage des ados. La sémantique étant affaire d’étiquette, tous les mots n’ont pas le même rang.
Ainsi, on trouve de grands classiques, installés là depuis plusieurs années, bien qu’ils n’aient pas toujours percé dans toutes les couches de la société. Il y a par exemple "être en PLS", qui signifie être dans un sale état, effondré voire effrayé ; "un noob", c’est-à-dire nul ou ignare, surtout utilisé en lien avec le monde des jeux vidéo ; ou l’inénarrable "malaisant", auquel se substitue parfois "gênance", pour toute chose jugée perturbante ou suscitant la compassion.
Mastodontes et colosses aux pieds d'argile
A côté de ces mastodontes, des expressions plus obscures tentent de se faire une place. "T’as dead ça !" permet de témoigner son admiration devant la réussite de quelqu’un sur un point précis. "C’est un bambi" persifle les gens peu doués et vient lui aussi des jeux vidéo (en l’occurrence de Fortnite, qui a inspiré au footballeur Antoine Griezmann ses célébrations après ses buts). Et, comme le regretté Johnny Hallyday qui était "né dans la rue", ces vocables sont souvent nés dans le "binks", qui n’est jamais qu’une autre manière de dire le "ter-ter", entendre "le quartier" populaire, ou la cité.
Mais la langue est un univers aussi vivant qu’impitoyable où une mode chasse l’autre, et où les colosses d’hier, qu’on croyait si solides, s’écroulent bientôt, sous l’érosion du temps et l’attaque des petits nouveaux. Tel est le triste destin promis à "boloss" ("boulet") ou encore à "j’ai le seum" qui régnait pourtant il y a eu peu sur les expressions servant à signaler son écœurement.
Anciens et modernes
A l’inverse, des mots qu’on pensait délaissés, ou même enterrés, reviennent d’entre les morts. Car, si les jeunes puisent souvent leur vocabulaire dans les barres d’immeubles, les jeux vidéo, en adaptant l’anglais ou l’arabe, comme dans le cas de "cheh!" ("bien fait!"), de "starfoullah" (qui signifiait à l’origine "que Dieu me pardonne" et qui renvoie plutôt à la surprise à présent), ou encore de "zouz" (pour une femme, de temps à autre en sa qualité de petite amie pourvu qu’on ait placé un possessif devant), ils aiment aussi se tourner vers ce bon vieil argot des familles. On retient ainsi l’exemple de "blase", désignant le nom et qui semble tout droit sorti d’une chanson d’Aristide Bruant ou d’un San Antonio.
Le Parisien, qui note pour sa part le retour de "culotté", cite la linguiste Aurore Vincenti, auteur des Mots du bitume: "Les jeunes de banlieue aiment les mots ayant un cachet ancien. Ils adorent jongler avec les registres, jouer au marquis quand on n’en est pas un, s’imaginer être Cyrano de Bergerac".
Et, à l’instar du personnage créé par Edmond Rostand, l’entreprise ne manque pas de panache. Benjamin Valliet, professeur et auteur du Lexique de ta mère, interviewé également par le journal francilien, rappelle ainsi que l’idiome des jeunes, qui peut à l’occasion paraître cryptique, est initialement l’œuvre de "groupes de dominés pour ne pas être compris par les dominants". Il poursuit: "A la base, l’argot des cités a été imaginé par les jeunes des quartiers populaires pour se différencier de ceux des beaux quartiers, pour un besoin d’appartenance à un groupe."
A l’heure de l’explosion des communications, la recette est cependant victime de son succès et ces mots hybrides volent bien souvent dans des lieux qui n’ont pas grand-chose à voir avec ceux qui les ont vus naître.