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Hommage à Clément Méric: "ce rassemblement devrait être l’affaire de tous"

Sur la fontaine Saint-Michel à Paris, les amis de Clément ont déployé une banderole: "Clément - 05.06.13 A jamais l'un des nôtres".

Sur la fontaine Saint-Michel à Paris, les amis de Clément ont déployé une banderole: "Clément - 05.06.13 A jamais l'un des nôtres". - -

REPORTAGE - Au lendemain de la violente agression qui a entraîné la mort de Clément Méric, militant d’extrême gauche, après une bagarre avec des skinheads, des milliers de personnes se sont réunies place Saint-Michel à Paris, à l’appel de plusieurs partis de gauche.

18 heures, jeudi 6 juin. Sur la place Saint-Michel à Paris, des gens seuls, des groupes de militants, des étudiants. Ils sont plusieurs milliers à s’être déplacés pour rendre un dernier hommage à Clément Méric, jeune militant d’extrême gauche tué lors d’une bagarre avec des skinheads.

Un hommage qui intervient quelques heures après deux autres rassemblements: l’un devant Sciences Po, où Clément était étudiant, le second sur les lieux du drame, à l’appel de l'Action antifasciste Paris-Banlieue, dont Clément était membre.

L'ultime rendez-vous a donc lieu place Saint-Michel. Quelques drapeaux du Parti communiste, du Front de gauche et de quelques syndicats sont visibles. Les "antifa" sont là aussi, de noirs vêtus, arborant des t-shirt rendant hommage à Clément.

Marie, 28 ans, n’est pas militante, mais elle est venue "pour deux choses: d’abord rendre hommage à Clément, mais aussi pour réclamer la fin de ces groupuscules d’extrême droite."

Comment en finir avec les groupes d'extrême droite?

"On a laissé leurs idées se propager. Des individus et des partis ont permis à ces gens de se sentir légitimes, et ça, ce n’est pas possible", explique un ami de Marie. L’UMP, le Front national ou même la politique menée par le PS et l’UMP: les responsables de la résurgence de ces groupes d'extrême droite ne sont pas toujours les mêmes, dans la bouche des manifestants. Mais une chose est sûre: il faut s’en débarrasser.

"Il faut les dissoudre, et tant pis si ça n’est que symbolique", affirme Emmanuel, enseignant-chercheur. Près de lui, une manifestante s’immisce dans la conversation: "ne risque-t-on pas de perdre leurs traces en ordonnant leur dissolution? C'est un risque, non?" Un peu plus loin, Greg, militant au Groupe socialiste internationaliste, rigole: "la dissolution? Ayoub [fondateur des JNR, grouspuscule soupçonné d'être impliqué dans la mort de Clément] en a vu d’autres! C’est d’abord la condamnation des responsables qui fera changer les choses".

Les débats font rage parmi les manifestants. Comme une façon de prendre la distance avec le drame, encore dans toutes les têtes.

Une récupération politique "surréaliste"

Dans la foule, les partis politiques de gauche sont bien présents. Certains se font toutefois plus discrets que d'autres. Jean-Luc Mélenchon, légèrement à l'écart, ne prendra pas la parole. Quant à Anne Hidalgo, la candidate socialiste à la municipale parisienne, elle doit battre en retraite devant l'hostilité des manifestants. "Ce rassemblement devrait être l’affaire de tous, et pas seulement de certains partis", déplore Marie, qui se dit "mal à l'aise avec la récupération politique".

Lorsqu’Alexis Corbière, secrétaire national du Front de gauche, tente de s’exprimer au micro, c’est avec peine qu’il se fait entendre, interrompu par les cris des manifestants: "Clément, antifa!" "Récupération politicienne!" ou encore "Va faire ta campagne ailleurs!". Une partie de la place le hue plusieurs fois.

Au Front de gauche, on regrette les huées. Thomas, jeune militant communiste, "les comprend. Mais ce qui s’est passé hier était un crime politique. C’est donc naturel qu’on soit là. C’est aussi grâce à notre appel à la manifestation qu’il y a autant de monde ce soir. On offre aux gens les moyens de se mobiliser, et de se faire entendre." "Et puis, il faut se rappeler l’adage, ajoute l’un de ses camarades: 'si tu ne fais pas de la politique, un autre s’en chargera à ta place'. Ne pas faire de politique, c’est faire le lit du FN."

Et pourtant, le mouvement de récupération n'échappe à personne. Surtout pas aux proches de Clément. "C'est surréaliste, commente France, la cousine du jeune homme. C’était un étudiant brillant, avec un vrai esprit critique. Les idées du Front de gauche, du PS, n’étaient pas les siennes. Et là, tout le monde veut se servir de l’évènement pour appuyer les propos de son parti. Ca se comprend, mais il faut d'abord respecter Clément."

Il est 19h30, les prises de paroles sont terminées. Sur la place Saint-Michel, un ami de Clément prend le micro. Le défi dans la voix, il crie une dernière fois: "Clément était anarchiste!" Les manifestants se dispersent, après de longs applaudissements.


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Ariane Kujawski