Mails personnels au travail: une salariée licenciée gagne en cassation

La Cour de cassation a rejeté la décision de la cour d'appel, qui s'était fondé sur des éléments de preuve "illicites". - Martin Bureau - Pool - AFP
La Cour de cassation a tranché: elle vient de donner raison ce mois-ci à une salariée face à son ancien employeur (lire l'arrêt ici). Corinne (*), analyste financière dans une entreprise de regroupement de crédits, avait été remerciée après neuf ans de collaboration, sa direction lui reprochant un usage excessif de sa messagerie personnelle en journée.
Plus de 1.200 mails privés envoyés et reçus en deux mois: la Cour a reconnu que cela avait "eu un impact indéniablement négatif" sur l'activité professionnelle de Corinne. Mais elle reproche à l'employeur un vice de procédure: le dispositif "mouchard" n'avait pas été déclaré à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) au moment des faits.
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Les salariés étaient prévenus
Retour en arrière. En septembre 2009, la société, basée à Amiens, avertit ses salariés: elle va renforcer le contrôle des activités des employés "face à la persistance des abus de communications personnelles durant les heures de travail", indique à l'époque le directeur. Et ces mesures ne seront pas sans conséquence: des sanctions seront prises.
Dès le mois d'octobre, la direction met en place un dispositif de contrôle individuel des quantités des flux de mails, et rappelle le 29 octobre à ses salariés les risques encourus. Un mois plus tard, le compteur est formel: Corinne a envoyé et reçu 607 mails d'ordre privé en octobre, et 621 en novembre. Le 2 décembre, l'analyste financière est convoquée à un entretien préalable au licenciement. Elle quitte l'entreprise.
Sauvée par un vice de procédure
Huit jours plus tard, l'entreprise contacte la CNIL et déclare officiellement l'existence de son dispositif de contrôle des messageries électroniques. Ce timing est une faille du point de vue juridique: Corinne décide de porter l'affaire en justice. Elle perd dans un premier temps, et son licenciement est même confirmé en appel à Amiens, en janvier 2013.
Mais le 8 octobre dernier, la Cour de cassation a estimé que la cour d'appel n'avait pas respecté le code de procédure civile. Elle lui reproche de s'être fondée uniquement sur des éléments de preuve obtenus à l'aide d'un système de traitement des données "avant sa déclaration à la CNIL", ce qui rend ces preuves "illicites". Elle demande désormais à la cour d'appel de Douai de se prononcer de nouveau sur l'affaire, en tenant compte de son éclairage.
Si la déclaration à la CNIL avait été faite à temps comme le veut la loi, celui-ci aurait pu être considéré comme légal: ainsi, en 2013, la cour d'appel d'Orléans a validé le licenciement pour faute grave d'un salarié, qui avait envoyé des blagues grivoises par mail à ses collègues.
(*) Le prénom a été modifié.