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Société

Les maires hostiles au mariage pour tous organisent la résistance

François Lebel, maire du 8e arrondissement de Paris

François Lebel, maire du 8e arrondissement de Paris - -

Nombre d'élus opposés au projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 31 octobre, réclament leur droit à la "désobéissance civique".

"Si les amuses-galerie veulent faire cette loi, je réclame une clause de conscience". Tels sont les mots du député maire d'Orange, l'extrême droite Jacques Bompard, lequel a lancé une pétition demandant l'abandon de la loi autorisant le mariage pour tous, et à défaut l'inscription d'un "droit de retrait" autorisant les élus à ne pas célébrer ces union. Mercredi, elle avait été signée par près de 1.300 élus.

>> Retrouvez notre dossier sur le mariage homo

Comme Jacques Bompard, le maire de Montfermeil Xavier Lemoine, membre du Parti Chrétien-démocrate de Christine Boutin, réclame une "clause de conscience" pour les élus, "comme cela existe pour les médecins pour l'IVG". Lui-même ne célébrera pas de telles unions, au risque de "poursuites pénales", a-t-il prévenu, suivi par le maire UMP du 8e arrondissement de Paris, François Lebel, réticent à l'idée de célébrer ce qui, selon lui, ouvrirait la voie à "la polygamie, l'inceste, et la pédophilie".

Morale

L'engagement 31 du candidat Hollande ouvrant le mariage aux couples homosexuels avait passé l'été sans encombre, si bien que le gouvernement croyait la question réglée, alors qu'une majorité de Français se déclaraient favorables à la mesure… jusqu'au dévoilement début septembre de l'avant-projet de loi par la ministre de la Justice Christiane Taubira. Trois semaines avant la présentation en Conseil des ministres du texte, une fronde de maires hostiles au projet, issus principalement de la droite, s'organise. "Le mariage doit rester l'union d'un homme et d'une femme dans l'intérêt de l'enfant", 'l'État n'a pas à légiférer sur qui aime qui", sont les arguments qui reviennent le plus souvent, quand on n'évoque par une "institution millénaire", ou des questions d'ordre purement morales et religieuses.

Malgré l'avertissement de Christiane Taubira, qui a promis que les maires rétifs ne pourront pas s'y dérober, beaucoup de maires ont d'ores et déjà promis qu'ils réserveraient à d'autres officiers de l'État-civil le soin de procéder à ces unions. "Si ce n'est pas la personne elle-même, si c'est un adjoint, moi, je respecte", a admis Jean-Marc Ayrault.

Résistance

Une solution qui ne satisfait pas le débuté-maire UMP de la Manche Philippe Gosselin. "Il y a un moment où on va se trouver en butte à des difficultés, si le droit de retrait n'est pas organisé par la loi. Si tous les adjoints refusent de célébrer ces mariages, le préfet devra prendre ses responsabilités et sanctionner les maires", a-t-il dit, déçu que le gouvernement n'ait pas consulté les premiers concernés.

Avec d'autres membres du collectif des maires pour l'enfance, qui avait mobilisé quelque 12.500 élus après le mariage gay organisé à Bègles par Noël Mamère en 2004, Philippe Gosselin a écrit aux 155.000 maires et adjoints aux maires, pour les inviter à signer son appel. "Nous leur demandons [...] s'ils sont pour ou contre le mariage homosexuel, et s'ils sont demandeurs d'une clause de conscience qui leur permette de ne pas célébrer ces mariages", a expliqué l'élu, par ailleurs l'un des animateurs de "l'entente parlementaire de la famille", un groupe de députés et de sénateurs hostiles au mariage homosexuel, qui est "en cours de reconstitution", selon lui. "Nos actions commenceront la semaine prochaine".

Diversion

En attendant, l'opposition profite de la fronde pour afficher son unité à coups d'éléments de langage autour de la "diversion" et la "précipitation", mettant pour quelques temps de côté les divisions des camps Fillon-Copé dans l'affrontement pour la présidence de l'UMP. Du côté du maire de Meaux, Nadine Morano se charge de la basse besogne sur son compte Twitter. "Pour quelqu'un qui n'a jamais passé la bague au doigt, Hollande pressé de mettre en place le mariage pour tous : ne cherchez pas, diversion", écrivait la conseillère municipale à Toul jeudi matin. Même son de cloche chez les soutiens de François Fillon : le député-maire de Nice Christian Estrosi, voit dans le mariage pour tous "une diversion digne d’un show de Las Vegas", et Laurent Wauquiez recommande au gouvernement de de "prendre le temps de bâtir un consensus» sur le mariage homosexuel, au lieu de pousser une "loi bâclée".

Début octobre, François Fillon avertissait en réaction aux propos de François Lebel : "Le président de la République et le Premier ministre feraient bien de réfléchir à deux fois avant d'ouvrir ce débat… On va voir les Français se diviser très profondément et s'insulter."

Tristan Berteloot